Max et les Maximonstres : chronique

14-12-2009 - 09:59 - Par

MaxChroBandeau

Le studio et les fans du livre de Maurice Sendak attendaient un conte pour enfants. Spike Jonze livre une réflexion ambitieuse, cruelle et déchirante sur le passage à l’âge adulte.

Ceux ayant grandi avec « Max et les Maximonstres », livre culte pour enfants écrit et dessiné par Maurice Sendak en 1963, en seront sans doute pour leurs frais. S’ils pensaient voir en l’adaptation filmique une sorte d’aventure rêveuse et enchanteresse pouvant plaire à leurs têtes blondes, ils peuvent passer leur chemin. Ou du moins, aller en salles sans leurs enfants.

MaximonstresPosterAvec MAX ET LES MAXIMONSTRES, Spike Jonze livre son film le plus personnel, une réelle adaptation, plus qu’un copié-collé. C’est que le bouquin ne faisait que 338 mots. Jonze et son scénariste, Dave Eggers, ont donc dû inventer tout un monde. Ils y dépeignent un enfant d’une dizaine d’années, Max, solitaire et rêveur, se sentant cruellement inadéquat dans le monde qui l’entoure. Sa sœur ado l’ignore, sa mère divorcée a un nouveau petit copain, et l’école ne lui apprend qu’une chose : que tout mourra un jour. Alors quand Max pète un plomb, et que sa mère l’envoie dans sa chambre sans dîner, Max s’évade dans un monde imaginaire, censé être plus doux. Un univers peuplé par les Maximonstres, gangrénés par un manque de dialogue, malgré tout l’amour qu’ils se portent. Max devient leur Roi, mais va comprendre que le monde réel lui manque…  Jonze construit ici un film pour adultes, un mélo « intello new yorkais », qui pourra irriter ou aliéner certains. Le récit ne s’embarrasse pas d’une construction dramaturgique classique, préférant accumuler des scénettes lourdes de sens, si tant est que l’on saisisse rapidement que chacun des Maximonstres représente une part de la personnalité de l’enfant, ses peurs, ses problèmes, ses démons intérieurs. Dès lors, le voyage se fait bien plus clair, Max visitant son Moi à travers ses relations avec ses nouveaux amis, et découvrant par là même qu’il est temps pour lui de grandir.

MaxPic1Respecter les besoins et désirs de l’autre, surpasser son insécurité pour trouver sa place, ne pas sombrer dans l’auto-complaisance, sont autant de thèmes superbement abordés par Jonze. Quitte à prendre le spectateur à rebrousse poil. En plus du récit foutraque, Jonze bâtit une esthétique audacieuse. Il donne tout d’abord à ses Maximonstres un look old school (acteurs en costumes, marionnettes) littéralement bluffant : jamais ne l’on doute une seule seconde de leur existence. Quand on aimerait observer leur superbe monde, Jonze nous en prive, privilégiant la caméra à l’épaule et les gros plans, pour mieux agrandir et poser le cadre à mesure que Max comprend ses émotions. Quand on souhaiterait que le récit se calme, Jonze l’accélère. Comme durant le magnifique dernier quart d’heure, dont on aimerait profiter, où Jonze clôt le film à la hâte. Un inconfort que l’on ressent comme un arrachement, propice à comprendre avec d’autant plus de force ce que vit Max : la fin de son enfance. Fort de choix à contre courant, MAX ET LES MAXIMONSTRES se révèle une œuvre exigeante, où Jonze a l’audace de nous pousser à « subir » le récit, à se poser des questions sur ce que l’on voit ou comprend, pour être au final emporté par une émotion sincère et quasi-traumatisante, où bon nombre des spectateurs auront l’impression d’être une nouvelle fois arrachés à leur enfance, et prendre de plein fouet les sacrifices faits pour devenir adultes. On sort de la salle tremblant, les larmes encore accrochées au fond de la gorge, certain d’avoir vu une œuvre dont on n’a pas fini de sonder la richesse. Un classique intemporel et universel, aussi bienfaiteur et douloureux qu’une psycho-thérapie en accéléré.

Max et les Maximonstres, de Spike Jonze. Etats-Unis. Avec Max Record, James Gandolfini. 1h42. Sortie le 16 décembre.

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