Preview : Kick-Ass va botter le cul d’Hollywood

25-12-2009 - 08:24 - Par

KickAssBandeau

Amoureux éconduits par Hollywood, Mark Millar, tête pensante écossaise de la BD contemporaine, et Matthew Vaughn, le réalisateur derrière LAYER CAKE et STARDUST, ont fait de KICK-ASS une affaire personnelle : celle de prouver qu’on peut se faire virer par les plus grosses majors pour mieux, ensuite, les mettre littéralement à genou.

VaughnMillar

Matthew Vaughn (g.) / Mark Millar (d.)

On peut être l’un des auteurs de comic-books les plus courus du moment, avec à son compte quelques numéros des «4 Fantastiques», «Spiderman» et des œuvres originales comme «Wanted» ou «War Heroes» et se faire bâcher par Hollywood. Mark Millar l’a appris à ses dépens, ni sa renommée, ni l’adaptation d’une de ses BD par Universal avec Angelina Jolie au programme (WANTED) ne lui auront suffi pour que son projet d’adaptation de «Kick-Ass» ne subjugue les patrons des studios. Matthew Vaughn, brûlant de le porter sur grand écran, du haut de sa petite réputation de Guy Ritchie en culottes courtes grâce à LAYER CAKE, n’obtenait que des «trop hardcore», «trop subversif», «pas marketable pour  un dollar». KICK-ASS ou l’histoire d’un ado devenu super-héros sans super-pouvoirs, nommé «travelo tapineur» officiel de l’école vu les bleus qu’il arbore après une nuit de vigilance et d’ultra-violence, est culte sur papier. Une conviction pour Millar et Vaughn : il sera culte à l’écran, quoique les cols blancs en disent. Aide-toi, le ciel t’aidera. Brad Pitt a beau être conquis et placer le projet sous la protection de sa boîte Plan B, les deux doivent se démerder par eux-mêmes. Démarchage, RP, déjeuners d’affaire… Vaughn dégage 30 millions de dollars de la part d’investisseurs privés, pendant qu’Hollywood rit encore au nez des millions de fans de «Kick-Ass» qui, eux, trépignent déjà d’impatience.

La guerre des boutons

KickAss1Vaughn n’a pas besoin de beaucoup plus que ces quelques dizaines de millions qu’il arrache à des businessmen plus rêveurs que les autres. Son savoir-faire européen home-made et sa rage suffiront. KICK-ASS n’est pas un film à sensation : simplement une comédie d’action dans laquelle Kick-Ass et Hit-Girl, une fillette de 11 piges ultra-violente, s’avoinent avec Red-Mist, le fils de la mafia tout de rouge vêtu. C’est presque ridicule. Mais pas du tout un film de super-héros à SFX déments : «Je déteste ça», raconte le réalisateur, «les fonds verts, quelle merde ! Les effets spéciaux oui, mais seulement si tu ne peux pas utiliser la caméra». Ce qui aurait pu coûter cher à la production, c’est Nicolas Cage qui campe un flic le jour, héros Big Daddy la nuit. Or, heureusement pour Matthew Vaughn, celui qui cachetonne dans tant de films peut aussi faire des choix de cœur, les seuls pieds de nez à Hollywood qu’il peut se permettre. Le convaincre a été simple comme un coup de fil : «je lui ai envoyé le scénario, il l’a lu et il a dit : j’en suis. Nic est un grand fan de comic-books. Ça a été plutôt simple de le convaincre.» Le reste du casting n’est que prise de risque : dans le rôle titre, le jeune Aaron Johnson, dont on vous reparlera car il a pris la tête de NOWHERE BOY en John Lennon, a une réputation du feu de Dieu. Red Mist sera Christopher Mintz-Plasse, le MacLovin de SUPERGRAVE. Hit Girl, ce sera Chloe Moretz, «la Jodie Foster ou la Natalie Portman de sa génération» d’après Vaughn. Comprendre qu’il n’y a pas un acteur bankable dans ce film qui ne tienne un rôle dominant et que l’image de Nicolas Cage ne sera jamais exploitée pour racoler le chaland. Comprendre aussi que le film s’enfonce dans l’underground, pour un public niche qui adorerait éventuellement voir des enfants baigner dans le sang. Déviant.

La revanche du peuple

KickAss3«Je ne veux pas paraître trop arrogant en disant «je viens de faire le meilleur film de tous les temps», mais je regarde KICK-ASS et je me dis «ouais», je peux dire «C’est le meilleur film que j’ai fait». Ça ne veut pas dire que c’est un film énorme mais j’ai l’impression d’avoir boxé dans la catégorie au-dessus.» Matthew Vaughn n’est en aucun cas prétentieux, mais il n’a aucune raison d’être un faux-modeste : au dernier Comic-Con, entre le grand raout AVATAR et la surprise MAX ET LE MAXIMONSTRES, KICK-ASS faisait office de dealer d’ecstasy. Sur les blogs et les sites qui reportent l’événement, /Film notamment, on peut lire au lendemain de la projection de quelques scènes du film : «KICK-ASS a été sûrement accueilli plus chaleureusement qu’AVATAR. S’il contribue bien moins à l’évolution du cinéma que le film de Cameron, nul doute qu’il a davantage galvanisé la foule. (…) La majorité de la salle s’est levée pour une standing ovation.» Autant de doigts d’honneur à l’industrie car sur le baromètre rapport qualité-prix, KICK-ASS explose pas mal de blockbusters. Le style ? «Du Tarantino teenage». Les projections tests ? «On a eu un taux de satisfaction indécent. Vous ne me croiriez pas si je vous disais…» dit Vaughn. L’effet obtenu ? L’effet escompté : «Ce que ARNAQUES, CRIMES ET BOTANIQUE a fait sur le genre gangsters, KICK-ASS le fait pour le genre adaptation de comics super-héros.» Le point d’orgue du film ? Une séquence animée sur artworks de John Romita, le dessinateur original de la BD, qui dure environ 90 secondes et qui raconte, en flash-back, les origines de Big Daddy, le personnage héroïque de Nicolas Cage. KICK-ASS s’octroie pas mal de libertés, casse les codes du film de super-héros, et agite sérieusement les certitudes et les habitudes des gros pontes des studios… qui vont alors récupérer le bébé.

Les mains pleines

KickAss2À peine les premières images dévoilées, les distributeurs s’affolent sur KICK-ASS comme la misère sur le monde. L’aubaine, vous imaginez bien. Pas un sou investi à l’origine du projet, juste un chèque à faire pour exploiter la chose en salles. Universal saute sur l’occasion de distribuer à nouveau, 2 ans après WANTED, un bijou estampillé Millar. Paramount rentre dans la course à son tour, friande de sleeper-hits potentiels (CLOVERFIELD en 2008, PARANORMAL ACTIVITY cette année). Mais c’est Lionsgate qui rafle la mise avec un chèque à 7 zéros, même si les attachés de presse n’en révèlent pas le montant exact. Le studio, qui un beau jour de 2003 achetait SAW, ce petit film d’un million, pour le décliner en saga ultra-lucrative, conclut un «deal conséquent» avec Matthew Vaughn, et promet pour KICK ASS une distribution en grand – en France, Metropolitan, partenaire ancestral de Lionsgate, sortira bien évidemment le film en salles. Vaughn publie un communiqué de presse : “réaliser et financer KICK-ASS a été une expérience fabuleuse. Mais depuis le début, nous avions deux buts : faire un film à haute teneur en divertissement et trouver le bon studio pour le distribuer. Avec Lionsgate, j’ai derrière moi une équipe soudée et courageuse qui aidera à apporter le film aux fans du comics mais aussi à un public plus large.» Le discours est consensuel, car la subversion de Matthew Vaughn a des limites : récemment, il  avouait vouloir faire un gros film de studio, un truc avec un budget indécent, aller à Hollywood et tourner un blockbuster. L’ambition est le moteur de cet anglais un peu inconscient. Pour le moment, il devra se contenter d’être à l’initiative d’un des films les plus indie-fun de 2010 et d’une franchise en devenir. Mark Millar l’a annoncé à la presse : «KICK-ASS 2 est déjà en écriture. Il faut qu’on se dépêche tant que les acteurs sont jeunes. Dans les 18 à 24 mois prochains, nous reviendrons.» On vous en prie.

Kick-Ass, de Matthew Vaughn, USA/GB. Avec Aaron Johnson, Nicolas Cage. Sortie prévue le 21 avril 2010

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