Interview : La Merditude des Choses

29-12-2009 - 13:18 - Par

MerditudeITVBandeau

Durant le Festival de Cannes, nous avons eu la chance de converser une bonne demie heure avec l’équipe de LA MERDITUDE DES CHOSES. Juste avant, les acteurs avaient descendu la Croisette à poil, sur des vélos. Vraiment. Ce qui a forcément plongé l’entretien qui suit dans une bonne humeur plus que rafraîchissante.

Votre film fait penser au cinéma de Ken Loach ou Mike Leigh : malgré toutes les emmerdes de la vie, il reste énormément d’humanité dans les personnages. De l’amitié, de l’amour, du rire. Comment doser ce mélange et éviter de tomber dans le sordide ou le cynisme ?

Felix van Groeningen

Felix van Groeningen

Felix van Groeningen, réalisateur : C’est ce que j’aime dans un récit. Qu’il y ait un mélange d’humour et de tristesse, de mélancolie. C’est ça la vie. On aime tous faire les cons, vraiment à fond ! (il explose de rire). L’humour permet de relativiser les choses, c’est très important.

Koen de Grave, interprète du père : Cela se travaille déjà à l’écriture, évidemment. Il faut ensuite trouver une sorte d’humour et de tendresse entre nous, sur le plateau. Sinon, cela devient trop complexe à interpréter. C’est quelque chose qui vient presque instinctivement, cela dit.

Valentijn, vous incarnez le personnage de Gunther adulte. Jeune, il est très lumineux. Tandis qu’adulte il est très fermé. Cette différence est très belle à l’écran. Est-ce que vous avez travaillé avec le jeune Kenneth Vanbaeden là-dessus ?

Valentijn Dhaenens

Valentijn Dhaenens

Valentijn Dhaenens, interprète de Gunther adulte : Je suis juste allé voir les répétitions de Kenneth. J’ai essayé de retranscrire un peu de lui dans mon jeu. Par exemple, quand il rit, il rit avec les dents, comme moi. Il est aussi de temps en temps gêné, quand il est entouré par sa famille, et j’ai repris cela dans la scène où mon personnage retrouve ses oncles à l’âge adulte. Mais sinon, Kenneth et moi n’avons pas beaucoup parlé de tout ça.

Les jeunes acteurs aussi doués naturellement sont assez rares. L’avez-vous décelé très rapidement au casting ?

Felix van Groeningen : Oui. Pour moi, les choses doivent sortir progressivement mais il est vrai que Kenneth a aussi un très grand naturel. Je me rappelle le premier plan qu’on a fait, j’étais très content des répétitions car il s’ouvrait peu à peu et gardait son authenticité. C’était la scène où Gunther va voir sa mère. Une scène difficile. Il m’a posé quelques questions et quand il ne comprenait pas, il m’interrogeait toujours plus. Et quand j’ai dit « action », c’était… (il explose de rire). Il faisait des choses que je n’avais pas demandées, je sentais qu’on croyait à ce qu’il faisait sur l’écran. Il est le personnage.

Sur le tournage, vous avez dû être protecteurs avec lui. Même dans les scènes difficiles, on voit l’amour et l’admiration du petit Gunther pour son père et ses oncles. J’imagine que cela doit émaner d’une certaine ambiance sur le plateau…

Koen de Grave

Koen de Grave

Koen de Grave : Oui… On était toujours en train de l’entourer… Je pense que c’est très important d’être à l’aise sur un plateau pour un jeune acteur sans expérience. Felix et moi lui demandions souvent s’il allait bien. On blaguait, on lui faisait sentir qu’il pouvait être à l’aise. Au bout de quelque temps, c’était lui qui déconnait.

Il y a quelque chose de superbe dans le film et pourtant de très discret : vous ressuscitez les années 80 avec brio. Moi par exemple, j’avais le même vélo BMX que Gunther, sauf que les pneus étaient rouges…

Felix van Groeningen (il explose de rire) : Bizarrement, pendant l’écriture, je n’ai pas du tout pensé à ça. Dans le livre, tu n’as pas du tout le sentiment d’être dans les années 80. Dans le scénario, il y a avait juste précisé 1988, pour situer les scènes. Et toute l’équipe disait : « super, les années 80 ». Mais pour moi, ça ne s’accordait pas plus que ça avec l’histoire. Et puis quand j’ai commencé à préparer le film, j’ai réalisé que ça devait faire partie prenante de la narration. J’ai commencé à regarder des documentaires, j’ai cherché tout ce qui pouvait être d’époque, comme les pulls, les fringues, les posters de singes… Notre costumière avait plein d’habits des années 80, on les mettait, on se disait « c’est génial ! ». Quand le reste de l’équipe a vu les photos des personnages habillés comme ça, ça a mis quelque chose en route. Une dynamique de groupe.

Un aspect très plaisant dans le cinéma belge, qu’il soit wallon ou flamand, c’est sa folie. Comment vous l’expliquez ?

Nico Leunen

Nico Leunen

Felix van Groeningen: Je crois que c’est notre nature non ?

Nico Leunen, monteur du film : J’ai une petite théorie là-dessus…

Felix van Groeningen explose de rire : Ah OK Nico ! Vas-y !

Nico Leunen : La Belgique n’existait pas il y a 200 ans, c’est une construction. Dans la vie quotidienne et donc dans tous les arts, on a cet esprit, pas de j’m’en foutisme, mais une certaine propension à absorber l’absurdité et le surréalisme.

Quel cinéma aimez-vous ?

Felix van Groeningen : Moi j’oublie toujours (il rit). Je suis en train de faire une liste car dès qu’on me pose cette question, j’ai du mal à répondre. Mais je dirais Ong Sang-soo. Ses personnages vivent toujours des moments très gênants. Peu de cinéastes montrent ces émotions. Et ça me touche vraiment.

Nico Leunen : Ma plus grande source d’inspiration pour le montage, c’est Claire Denis. Dans ce film, ça n’apparaît peut-être pas car la matière source est différente. Elle réussit à expliquer les choses sans les expliciter clairement. Elle maîtrise la dynamique d’une manière extraordinaire et c’est très important dans ses films. Elle sait faire ça comme personne d’autre.

Koen de Grave : Moi je n’aime pas le cinéma. (ils se marrent tous) Je suis contre le cinéma.

Wouter Hendrickx

Wouter Hendrickx

Wouter Hendrickx, interprète d’un des oncles : Moi j’aime beaucoup le cinéma d’Asie. Pour une raison personnelle, c’est que j’ai perdu mon cœur là-bas. Mais aussi parce qu’ils font du cinéma d’une façon différente. C’est une culture à part. Dans la façon de raconter des histoires. Quand j’ai vu pour la première fois des films de là-bas, j’étais perdu. J’aime aussi François Ozon. Je vois beaucoup de films. Je mange tout.

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