Rencontre avec Jonathan Zaccaï

15-03-2010 - 10:45 - Par

JZaccaiBandeau

A l’occasion de la sortie en salles de BLANC COMME NEIGE, nous avons eu la chance de rencontrer l’un de nos acteurs favoris : Jonathan Zaccaï. Passionné, déconneur et hautement sympathique, il revient avec nous sur sa carrière, nous parle de James Gandolfini, THOR, John McClane, de son rôle dans BLANC COMME NEIGE, et de sa participation au ROBIN DES BOIS de Ridley Scott.

JZVous avez débuté votre carrière voilà plus de quinze ans et l’on vous décrit encore comme un espoir. Ça vous gêne ou est-ce que tout ce qui importe au final est de faire votre boulot ?

Il y a de ça… Progressivement, je m’impose. Après, la façon dont je suis accueilli dans les média est un autre problème. Il me manque sans doute un rôle important dans un film qui cartonnerait au box office pour marquer le coup. Cela dit, c’est déjà bien d’être un espoir !

Mais est-ce que vous sentez que votre carrière évolue ? Vous devez encore vous battre pour obtenir des rôles ?

Non, ils viennent à moi. Tout dépend des rôles, évidemment. C’est vrai que je n’obtiens pas les premiers rôles dans les gros projets, ce que François Cluzet appelle « les premières mains ». Je n’ai pas du choix sur tout, mais j’ai un choix. Je suis plutôt content de tout ce qui m’arrive, j’essaie de rester surpris. C’est déjà pas mal de bien bosser, de pouvoir faire son métier, d’avoir des rôles différents… Je ne suis pas figé dans une image. Il faut aussi dire que je suis plutôt lent. C’est vrai que j’ai débuté il y a longtemps, vers l’âge de 20 ans (il en a 39 aujourd’hui, ndlr), j’ai joué dans deux ou trois petits trucs, mais c’était tellement le bordel que j’estime avoir vraiment commencé à bosser en 2000 avec PETITE CHÉRIE (d’Anne Villacèque, ndlr). En dix ans, j’ai tourné dans pas moins de deux films par an. Tout va bien ! (rires)

Vous avez dit être influencé par la peur du ratage. Est-ce que ça pèse encore sur votre carrière ?

J’ai raconté ça moi ? J’ai encore dit des conneries ! (rires)

ChaplinCela concernait le fait que vous étiez ému par ceux qui ratent et en deviennent des héros, comme Chaplin.

Ah oui, dans ce sens-là, c’est vrai. Les gens qui ont du mal sont très touchants. Chaplin nous fait rire avec la misère sociale. Je trouve ça émouvant, et c’est peut-être pour ça que je reste un espoir…

Vous êtes un grand amateur de comédie, sans en avoir tourné énormément. Quelles sont vos influences majeures ? La mélancolie à la Wes Anderson, la répétition à la Blade Edwards, le délire à la Ben Stiller ?

J’aime beaucoup Terry Gilliam et Woody Allen, et ceux que vous avez cités, évidemment. Je crois qu’en tant qu’artistes, on rêve de plein de choses, et on embarque ensuite avec nous toutes nos références. Elles nous constituent d’une certaine façon. Cela ne veut pas dire qu’on les plaque sur tout ce qu’on fait, mais c’est vrai que je suis amateur du cinéma influencé, plus que par le cinéma de génie.

Vous aimez les besogneux…

Oui voilà. Ceux dans l’amour du cinéma, plutôt que ceux souhaitant tout réinventer et tout éclater. Leurs œuvres m’émeuvent plus. J’aime moins les films de disons Orson Welles ou David Lynch que ceux de Woody Allen ou Tom DiCillo… Enfin là, je tape bien bas (il explose de rire) !

YeuxBandesLe plus impressionnant chez vous est sans doute votre langage corporel très intense. Dans LES YEUX BANDÉS, toute la rage de votre personnage est constamment prête à exploser et on le ressent à chaque plan, rien qu’en vous observant. Êtes-vous conscient de cette force ? Est-ce que vous la travaillez ou êtes-vous obligé de la canaliser ?

En fait, je pense que je recherche le lien qui m’unit au personnage. Dans le cas des YEUX BANDÉS, j’ai essayé de me connecter à ce camionneur. Cette rage, cette agressivité, je les ai en moi, et j’avais trouvé ça intéressant d’essayer de les contenir un maximum tout au long du film. Ce qui a entraîné une grosse engueulade avec le réal (Thomas Lilti, ndlr), parce que j’étais à bout de nerfs ! (rires) Alors c’est vrai que ces énergies, que je doive les contenir, les manipuler ou les faire sortir, influencent mon physique. C’est une énergie interne, une pure intensité. J’ai tout ça en moi, on l’a tous en soi, surtout en ce moment.

SopranoC’était tellement fort à regarder que quand j’ai vu le film, vous m’avez fait penser à James Gandolfini…

Ah c’est bon ça ! Je l’adore, il est exceptionnel !

… Il dit qu’il préfère camper les cols bleus car ils ont selon lui plus d’intériorité et de rage rentrée. Vous qui usez aussi de ce langage corporel et avez campé aussi bien des prolos (dans LES YEUX BANDÉS, BLANC COMME NEIGE, LA CHAMBRE DES MORTS) que des bourgeois (dans ELÈVE LIBRE), comment vous voyez ça ?

J’aime me « balader » dans divers milieux sociaux. Après, si on m’offre le rôle de Gandolfini dans LES SOPRANO, je parlerais peut-être comme lui. Si je peux faire flinguer des mecs, avoir des problèmes avec ma femme, avoir une pétasse de fille et un fils débile (rires)… je prends tout de suite. Personnellement, je trouve ça assez agréable d’explorer plusieurs milieux, et de ce point de vue, j’ai fait de tout. Mais j’aime les mecs dans la dèche, c’est vrai. Par exemple, dans BLANC COMME NEIGE, j’ai pu mettre des vieux pulls, tout le monde se foutait de moi sur le plateau. Au début du film, on ne me remarque pas trop, et rien que la silhouette définit bien le personnage.

CluzetGourmetVotre personnage de BLANC COMME NEIGE a du mal à trouver sa place dans le trio qu’il forme avec ses deux frères. Ils sont campés par François Cluzet et Olivier Gourmet, deux acteurs reconnus, deux monstres du cinéma européen. Est-ce que cette dynamique, dans laquelle vous êtes le moins connu des trois vous a aidé à interpréter le personnage ?

C’est vrai… J’avais la même position sur le plateau que celle de mon personnage dans le film. François et Olivier, ce sont de très grands acteurs. Mais pour tout vous dire, j’ai un truc d’acteur très personnel : j’aime faire le touriste. Dans BLANC COMME NEIGE, je me voyais comme le touriste du récit. Comme si mon personnage vivait dans un autre film que les autres personnages. Je ne suis pas dans le conflit qui les oppose, je suis un peu leur part d’innocence. Et puis, je pense vraiment que plus les acteurs qui vous entourent sont bons, moins il faut en faire. Il faut rester tranquille, surtout que l’entente entre nous a été instantanée et évidente. Jamais je n’ai pensé tenter jouer une carte perso. Et puis, je suis impressionné par les acteurs, pas par leur notoriété.

RobinHoodNiveau acteur, vous avez eu fort à faire avec ROBIN DES BOIS de Ridley Scott…

Oui c’est vrai… J’en parle avec prudence parce que je n’ai pas vu le dernier montage. Mais bon, je viens de terminer la post-synchro française et anglaise. C’est un petit rôle : le Roi de France. J’ai fait quelques jours, et même si je ne suis pas dans beaucoup de scènes, de ce que j’en ai vu, c’est très bien. Je n’ai pas donné la réplique à Russell Crowe, mais à Mark Strong. Lui aussi est très intense, et notre scène ensemble est vraiment super. J’ai également d’autres petites choses dans le film et si elles sont dans le montage final, ce sera bien. Travailler avec Ridley Scott était fabuleux. Au départ, mon rôle avait été supprimé du script, mais Scott l’a remis, car il en avait besoin pour les rouages de l’histoire : mon personnage commandite un meurtre. C’est très agréable d’être sur un plateau avec une telle machine autour de soi. On se rend compte qu’au final, plus la machine est énorme, plus elle vous emmène vers le jeu et son côté ludique. D’autant que Scott voyait le Roi de France comme une sorte de mafieux…

MunichAntoinettePour vous, travailler à Hollywood n’est donc pas du tout une compromission ?

Ah non pas du tout, mais quand je bosse pour Ridley Scott, je n’ai pas l’impression de taffer pour Hollywood. C’est un cinéaste que j’admire. Il représente BLADE RUNNER, ALIEN, THELMA ET LOUISE… Ce n’était pas ma première opportunité à l’étranger, cela dit. Je devais tourner dans MARIE-ANTOINETTE, un rôle qu’a tenu Mathieu Amalric au final. Spielberg me voulait pour MUNICH, il m’avait proposé deux jours de tournage, mais je ne voulais pas prendre l’avion à cette époque. Vraiment n’importe quoi (rires). Il m’aimait bien, et donc même si le rôle était assez merdique, je regrette aujourd’hui. J’aurais pu avoir Coppola, Spielberg et Scott sur mon CV ! Après, je ne rêve pas plus que ça de travailler aux Etats-Unis. J’aimerais surtout faire ce que je fais en France, mais en plus grand. Varier les rôles, les expériences, au niveau européen, travailler parfois avec de grands noms. Un parcours à la Amalric… Là, une Allemande me proposait de tourner six mois à Bombay. J’ai dit non, c’était une galère totale et en plus, je passais tout le film à me faire tromper par ma femme. Je lui ai dit qu’il y avait des limites (rires).

Vous avez campé un zombie dans LES REVENANTS, vous avez tourné dans un film de serial killer avec LA CHAMBRE DES MORTS et BLANC COMME NEIGE est un pur polar. Quel est votre rapport aux films de genres ? Vous aimez les films d’action, les adaptations de comics ?

J’adore ça. Bon, j’ai été déçu par WOLVERINE, alors que j’adorais X-MEN. J’attends IRON MAN 2, parce que le premier était pas mal du tout. THE DARK KNIGHT était super. Y a aussi THOR qui arrive et qui attise ma curiosité. Ça peut sérieusement craindre ! (rires). Les films d’action, je suis preneur aussi… Je crois que nous sommes une vraie génération de cinéphiles. Mais en même temps, on est conscients du fait que le vrai plaisir peut être de prendre un paquet de cacahuètes et regarder un truc qui ne prétend pas être plus que ça. Et au final, ce sont parfois eux qui deviennent les vrais bons films.

BlancNeigePosterQue ce soit dans BLANC COMME NEIGE ou LES YEUX BANDÉS, le thème de la fraternité est très présent… La force de ces deux films vient du fait que malgré tous les problèmes, l’amour règne tout de même entre ces frères.

C’est ce qui m’a plu, oui, et ce qui m’a le plus aidé dans le travail avec Cluzet et Gourmet. La fraternité, c’est à la fois fort et fragile, l’amour et la guerre. Il y a une grande puissance là-dessous. Le frère représente celui qu’on aurait pu être. On me demande souvent si mon personnage de BLANC COMME NEIGE envie son grand frère, celui campé par François Cluzet. Pour moi, ce n’est pas le cas. Il est dans les meubles, il est le canard boiteux de la famille. Je l’ai vécu et interprété comme un mec qui aime ce qu’il est, là où il est. Il ne se pose pas de questions. Pour moi, ce n’est pas un loser. C’est la société qui le voit comme ça.

Vous approchez de la quarantaine : est-ce que ça change vos envies ?

Franchement, non. Après, la manière dont on aborde le métier évolue avec l’âge, forcément. Mais tout ça est de l’ordre de l’intime. Une chose est sûre : je cours moins vite qu’il y a dix ans. (rires)

McClaneDonc pour interpréter une sorte de John McClane c’est mort.

Ah non ! John McClane je peux encore ! J’adorerais faire ça, courir en marcel avec un flingue et sortir des conneries toutes les cinq minutes entre deux explosions.

Jonathan Zaccaï est à l’affiche de BLANC COMME NEIGE, de Christophe Blanc. En salles le 17 mars.

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