Rencontre avec Mouloud Achour

09-04-2010 - 23:45 - Par

MouloudBandeau

A l’affiche du CHOC DES TITANS dans le rôle d’un guerrier turc, Mouloud Achour nous a accordé un entretien dans lequel il se dévoile au-delà de son image télévisuelle. Sans langue de bois et la passion en bandoulière.

Mouloud2Comment as-tu rencontré Louis Leterrier ?

C’était à l’époque où je bossais à MTV. Je suis parti avec un pote à New York pour le week-end de Pâques, et l’amie qui nous logeait là-bas, nous a emmenés à une soirée. Il y avait RZA du Wu Tang, qui, pour se débarrasser de nous, nous a dit qu’il y avait un autre Français. C’était Louis. On a discuté et décidé de rester en contact. Puis un jour mon pote Frédéric Bénudis me dit qu’il va faire un caméo sur L’INCROYABLE HULK, j’ai donc envoyé un mail à Louis, qui m’a proposé de venir faire une petite panouille.

Mais tu n’es au final pas dans le film…

Non parce qu’à l’époque, je bossais à la matinale de Canal et je n’avais que deux jours de libre, le samedi et le dimanche. Je débarque à Toronto, ils tournaient de nuit, avec des hélicos et des explosions partout. C’était la scène où Hulk et Abomination se battent dans Harlem. Je devais tourner à 3 ou 4 heures du matin et… je me suis endormi. Quand ils sont venus me réveiller, j’ai vu les explosions, je croyais encore être dans un rêve, et je leur ai dit de me laisser dormir ! Quand je me suis enfin réveillé, la scène était tournée, Edward Norton me faisait des oreilles de lapin, Liv Tyler se foutait de moi…

LeterrierEt comment il en est venu à t’embaucher sur LE CHOC DES TITANS ?

Au départ, il m’a envoyé le scénario, pour que je lui dise ce que j’en pensais, et rien que de le lire, j’étais heureux. Puis il me propose un rôle, mais me dit qu’il y a au moins 20 acteurs déjà listés. J’ai donc dû passer cinq ou six essais filmés, et ça a moyennement convaincu. Il a fallu que je bosse dur, j’ai pris un coach, et c’est là que j’ai passé des essais à Paris avec Ashraf Barhom, qui joue mon frère dans le film. Et pour le coup, là, ça s’est bien passé, parce qu’on a pu prendre le temps de discuter de la complicité entre nos deux personnages. Quinze jours après, il ne restait que trois mecs en compétition et Louis m’envoie un texto : « La production t’a choisi ».

Partout, on parle de ta participation au film comme la seule conséquence de ton amitié avec Louis Leterrier, alors que tu as été choisi par Warner. Et ça, personne ne le dit…

Ils ne veulent pas l’entendre. Pour eux, je ne suis même pas Mouloud acteur, je suis juste Mouloud du Grand Journal. J’ai l’habitude. Plein de gens me disent que mon personnage ne parle presque pas, ce qui est aussi le cas des autres personnages secondaires du film. Et perso, je préfère dire une phrase dans LE CHOC DES TITANS que dans n’importe quelle daube qui sort chaque semaine ici.

MouloudChoc1Mais ça ne te pose pas un problème de légitimité ?

Ma légitimité, je m’en fous. Vraiment. Qu’on me dise que je suis le pote de Louis Leterrier, c’est vrai dans l’absolu. Après, les journalistes qui écrivent ça, ils ne font pas leur boulot. Je suis aussi journaliste et je sais quand un mec travaille ou pas. Mais notre amitié est vraiment née sur le tournage du CHOC. Il ne m’a pas proposé le rôle parce que j’étais son ami. Quand tu as des responsabilités comme il en avait sur ce film, tu ne peux pas faire n’importe quoi, faire venir tes potes. C’est lui qui risque sa place sinon. D’ailleurs, j’ai failli me faire virer au début du tournage. Quand on répétait la scène des scorpions, j’avais des soucis de surpoids. La production avait peur que je ne sois pas assez en forme, et cela posait problème aux assurances. J’ai donc dû m’entraîner, faire du sport tous les jours, perdre du poids.

Les majors américaines font souvent signer des contrats pour de multiples films. Est-ce que tu en as signé plusieurs pour LE CHOC DES TITANS ?

Oui, j’ai signé pour plusieurs films… Le slogan du CHOC en anglais c’est « The Clash Begins ». Je vois vraiment ce film comme une intro. Après, je ne sais pas du tout ce que seront les suites. J’ai essayé d’en savoir plus, j’ai harcelé Louis pendant la tournée promo. En vain.

MouloudChoc2Comment tu as réagi aux critiques assassines sur la conversion 3D du film ?

Je suis d’accord. Déjà, je ne suis pas fan de la 3D. Dans AVATAR, ce n’est pas ce qui m’a plu. J’ai aimé plein de choses dans le film, j’apprécie le discours, mais je ne le verrai pas deux fois. Mais pour cette histoire de 3D, ce qui me gonfle, c’est que les journalistes se sont focalisés là-dessus, sans juger le film sur ce qu’il est. Ils l’ont traité comme un gadget. C’était le grand danger de convertir LE CHOC en 3D et c’est exactement ce qui est arrivé.

C’est peut-être aussi une réaction logique face à l’hystérie hollywoodienne de tout faire en 3D non ?

Oui, mais pour moi, ces mauvaises critiques viennent du fait que nous sommes dans l’ère de l’agora, où tout le monde devient un critique, tout le monde reprend les mêmes arguments. Il devrait y avoir un avis différent par blog pour moi. Au final, la blogosphère finit par être plus consensuelle que la télé, ou du moins, a créé un consensus opposé. Je pense que la vraie pertinence, c’est la nuance. Pas l’agressivité.

Jouer la comédie était une vocation pour toi au départ, ou tout est venu un peu par hasard ?

Ce n’est pas un hasard. C’est vrai qu’au départ je suis journaliste presse et radio, j’ai monté un label avec le groupe de rap La Caution, et on a fini par former une bande avec Kourtrajmé. Une cassette a atterri sur un bureau chez MTV et ils m’ont proposé une émission. C’est là que ma trajectoire a dérivé. Mais jouer, ça a toujours été l’éclate pour moi. Kourtrajmé, Kim Chapiron, Romain Gavras, c’est ma famille de cinéma. On aime les même films, on partage un univers underground. Cela me fait un peu marrer que les gens ne retiennent de moi que Le Grand Journal, car dans le même temps, je fais une émission, Cinéma de Tiekar, où l’on programme des films obscurs, dans laquelle on rentre dans le fond. Au final, on est plus spécialisés que les émissions institutionnelles.

KourtrajmeOù en est ta relation avec Kourtrajmé ?

On ne se sent pas obligés de se placer les uns les autres dans nos projets. On préfère grandir chacun de notre côté. Au début, on était obligés de se présenter ensemble, d’y aller massivement. Personne ne voulait de nous. C’était la force du désespoir. Aujourd’hui, tout le monde a grandi, comme Kim avec DOG POUND, qui a vraiment passé un cap dans son cinéma. Mais on reste très potes. Hi-Tekk de La Caution prépare un film dans lequel je vais jouer, et que produira Romain Gavras.

Le but c’est de ne plus être des terroristes et s’infiltrer davantage dans le système ?

Être moins terroriste, oui, mais on ne veut pas s’infiltrer. Tous ceux qui prétendent vouloir le faire, finissent par devenir le système. Nous, on est des produits du système, on en est conscients. On veut juste faire notre truc. Peu importe le moyen. On n’est pas là pour faire partie du showbiz, on veut juste faire des films, et kiffer. On n’est pas du tout dans la contestation.

Cette notion de plaisir est très anglo-saxonne dans l’âme.

Oui complètement. Au Grand Journal, je suis souvent en kif. J’ai la chance de choisir quand j’y vais. Et quand c’est le cas, c’est parce que j’aime les invités, et je le montre, j’ai pas de problème avec ça. Tant que le fun est là…

D’ailleurs, tu as lu le papier de Télérama, paru mercredi dernier (le 7 avril, ndlr) ? Cette image de fanboy qu’ils te donnent, elle te dérange ou tu t’en fous ?

Je l’ai lu… Je crois que la journaliste n’a jamais vu mes documentaires, comme celui sur l’écologie, dont je suis très fier. Elle ne connaît pas mon boulot. Certaines choses que j’ai pu faire par le passé sont mille fois plus subversives que tout ce qu’elle a pu faire ou écrire. Ce que j’écrivais dans Radikal, ou mes dossiers dans Technikart pouvaient être très hardcore. Après, il faut bien comprendre que Le Grand Journal est un format, si tu y vas tu dois accepter la règle. Je le sais, je l’accepte, je le fais sans aucun cynisme. C’est peut-être ça qui dérange. La télé n’est pas un medium pour les rebelles, il faut arrêter de se voiler la face.

As-tu des volontés de réalisation ?

J’ai beaucoup de respect pour les cinéastes et je ne prendrai pas la caméra comme ça. En tout cas, pas tout seul. Sauf pour un projet très personnel que seul moi pourrait faire. En ce moment, je commence à écrire un film, et c’est une expérience très solitaire…

RealsSi tu avais un rêve de projet complètement fou ?

Ce serait une production Judd Apatow avec Zach Galifianakis, Jack Black et Jonah Hill. Sinon, tourner pour Michel Gondry, que j’admire énormément. J’aime aussi Chabat, Riad Sattouf, Canet…

Tu fais du lobbying pour te trouver des projets ?

Non. Je laisse venir. Je ne suis pas dans les petits papiers du cinéma, je suis un OVNI, un mec de la télé pour eux. Je n’ai pas d’agent en France, je ne joue pas franchement le jeu. J’ai envie de fonctionner à l’envie. Je ne vais pas aller faire des courbettes pour faire un film.

MrFoxDernièrement, quels sont les films ou les séries qui t’ont marqué ?

Personne n’est d’accord avec moi, mais j’ai adoré THE BOX et GLORY TO THE FILMMAKER de Kitano. C’est complètement barré. Sinon, mon film préféré ces derniers mois c’est FANTASTIC MR FOX. En sortant de la salle, j’avais envie de me mettre à l’écriture. Alors que le précédent d’Anderson, DARJEELING LIMITED m’avait fait chier. Pour les séries, LOST, évidemment. THE WIRE, 30 ROCK, LARRY ET SON NOMBRIL, BATTLESTAR GALACTICA. HOW TO MAKE IT IN AMERICA est cool aussi. Une sorte d’ENTOURAGE de la loose.

Quel type de geek es-tu ?

Le terme geek ne veut pas dire grand chose à mon avis. Pour moi, un geek, c’est avant tout un hyper curieux, un passionné. C’est ce qui m’a amené à faire de la radio pour partager mon amour du rap underground. Ou quand je suis au Grand Journal, de toujours trouver un moyen de m’intéresser aux invités. J’aime essayer de trouver le bien dans chaque chose.

JayZMais quand vous recevez Scorsese, tu ne regrettes pas d’être dans un format qui t’empêche d’aller plus loin ?

Ça fait partie du jeu. Au Grand Journal, je pose les deux ou trois questions qui me bottent le plus. Dans le cas de Scorsese, je voulais savoir d’où venait sa fascination pour les gangsters, la violence. Pour Jay-Z, quel était son processus d’écriture. Vraiment, je m’intéresse à tout. En ce moment, je passe du comic « Y The Last Man », à des séries, je mate trois films par jour, je lis la bio de Kitano ou « L’Anatomie du scénario » de John Truby. Un truc de fou ce bouquin. Donc la culture geek, ça ne veut pas dire grand chose au final ! Je préfère à la limite qu’on parle de culture pop. Et le Grand Journal est une émission de culture pop. C’est pour ça que Télérama ne comprend pas… Quand j’ai commencé sur France 5, je faisais une émission, Ciné Bus, où on rendait hommage au cinéma B. Quand Télérama fait son papier pour louer la rentrée de France 5, ils disaient ne pas comprendre un seul truc : Ciné Bus. J’ai kiffé. C’est plutôt sain de ne pas être apprécié par ceux qui n’aiment pas ce que l’on aime.

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