Cannes 2010 : Biutiful / Chronique

17-05-2010 - 18:00 - Par

BiutifulBandeau

De Alejandro Gonzalez Inarritu. Sélection officielle, en compétition.

BiutifulPosterSynopsis officiel : Au coeur de « Biutiful » il y a Uxbal, un homme solitaire qui jongle entre la difficulté d’un quotidien en marge de la société et sa détermination à protéger ses enfants, qui devront apprendre à voler de leurs propres ailes.

Saviez-vous que vous pouviez trouver toute la misère du monde dans un film d’Inarritu ? Pour raconter l’histoire d’Uxbal, il est allé jusqu’en Espagne. Et qu’est-ce qu’il y a comme problèmes en Espagne ? Les sans-papiers africains, les immigrés chinois qui squattent des ateliers clandestins, la drogue, la crise de l’emploi et le cancer de la prostate. Parfait pour un film misérabiliste comme il faut. On imagine déjà le réalisateur mexicain se frotter les mains devant ce potentiel surpassant haut la main le gloubiboulga larmoyant de BABEL : Uxbal aura donc… laissez nous réfléchir… un cancer de la prostate, il exploitera des illégaux africains et chinois, il aura deux enfants dont un de sept ans qui fait toujours pipi au lit, son ex-femme bipolaire se tapera son frangin cocké jusqu’à l’os et elle mettra des gnons à leur rejeton incontinent, et puis Uxbal provoquera la mort d’une vingtaine d’esclaves modernes et autant d’emprisonnements. Et il pleurera sur son triste sort, car dans un film d’Inarritu, aussi improbable et grotesque que cela puisse être, chaque personne est une victime. Y a des victimes au bout de la rue, en bas de chez soi, vous et votre famille êtes des victimes. Et même les animaux. Il est bon de se le répéter parfois, pour éviter de rire ou de prendre du plaisir. On ne sait jamais.

En décrivant – de manière un peu trop exubérante, convenons-en – le mépris voué à ce film dans ses longues 138 minutes de terrorisme émotionnel, on m’a traité de caricaturiste. On m’a jeté au visage que BIUTIFUL ne faisait que « refléter la réalité » et que j’étais bien bête si j’ignorais qu’en Espagne, des Chinois étaient exploités dans des pièces aveugles à confectionner des sacs de contrebande toute la sainte journée. Mais je le sais, si ça peut vous rassurer. Et ce dont je me doute aussi, c’est qu’Inarritu, en prenant le spectateur en otage et en lui ordonnant d’en pleurer, provoque exactement l’inverse de son intention : un rejet immédiat. Chez moi, tout du moins. Et on se demande encore pourquoi Uxbal n’est pas unijambiste et que sa fille de 10 ans n’est pas myopathe.

Avec une photo magnifique, aux couleurs intenses, aux cadres subtils, BIUTIFUL, démonstration visuelle imparable (sur le coup, on abdique) est aussi beau qu’une pub pour la politique écologique d’EDF-GDF : il étale tout le moche de la nature humaine, hausse les épaules devant la paupérisation narrative dont il a usé. Et vous souffle : Que c’est beau quand même. Désolée, ça ne prend pas. Et il n’y a bien que Javier Bardem, et la dame qui m’a insulté, pour croire encore à la beauté de ce film. Pour cette foi aveugle envers Inarritu et pour son jeu magistral qui sauve BIUTIFUL autant que faire se peut, on lui donnerait volontiers la Palme de l’interprétation (à Javier Bardem, pas à la dame).

Biutiful, de Alejandro Gonzalez Inarritu, Mexique/ Espagne. Avec Javier Bardem, Martina Garcia, Rubén Ochiandano. 2h18. Sortie le 20 octobre 2010

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