Cannes 2010 : Tender Son / Critique

22-05-2010 - 09:45 - Par

TenderSonBandeau

De Kornel Mundruczo. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis officiel : Il y a longtemps, un jeune homme s’occupa d’un enfant sans jamais savoir ce qu’il advint de lui. À 17 ans, ce fils Rudi rentre à la maison en espérant retrouver sa famille après des années de séparation. En retrouvant sa mère, il espère la légitimité, l’affection et plus important encore, il espère savoir qui est son père. Malheureusement, il n’est pas le bienvenu. Presque par accident, Rudi débarque dans un casting. Le réalisateur est bouleversé par son innocence et est convaincu qu’il a trouvé son acteur. Mais un terrible événement va bientôt compromettre les bonnes intentions de Rudi. Il devient un meurtrier chassé, et le réalisateur se rend compte que Rudi, ce gamin si silencieux et si spécial, est en fait son fils, sa création monstrueuse. L’homme n’a plus d’autres choix que d’accompagner sa progéniture sur l’inévitable chemin de la rédemption.

Le cinéaste hongrois Kornel Mundruczo aime se servir de mythes séculaires pour broder des contes modernes reflétant nos peurs et monstruosités intérieures. On le sait, il nous avait déjà fait le coup voilà cinq ans avec JOHANNA, sorte de relecture de la tragédie de Jeanne d’Arc. Aujourd’hui, rebelote, avec un projet alléchant sur le papier, TENDER SON – THE FRANKENSTEIN PROJECT, librement adapté du roman culte de Mary Shelley. Libre, c’est le moins que l’on puisse dire.

On y suit en effet un cinéaste démiurgique (campé par Mundruczo lui-même), qui, en plein casting pour son prochain film, peine à trouver la perle rare. Lorsque surgit Rudi, adolescent de 17 ans mystérieux et taciturne. Pas de bol, durant l’audition, Rudi tue celle qui lui donne la réplique. Le réalisateur comprend rapidement que Rudi est le fils qu’il a abandonné à sa naissance… Le créateur et son monstre : Frankenstein renaît dans un cadre ultra-réaliste, sans cadavres assemblés ou foudre résurrectrice. Avec cette idée en tête, la première demi-heure du métrage s’avère un pur régal. Mundruczo campe un artiste imbu de sa personne et dictatorial, martyrisant ses acteurs : drôle, alerte, mis en scène avec une tonne d’idées par séquence. Ce début enchante. Puis vient le temps de réellement raconter les rapports troubles entre Rudi et son père. Entre la bête et son père.

Si le récit linéaire ne risque pas de perdre le spectateur par une complexité auteuriste cryptique, c’est le cas du traitement choisi par Mundruczo. Certes, on ne louera jamais assez la précision et la beauté de ses cadrages, la photographie monochromatique éclatante, ou son superbe décor principal (un immeuble dévasté en réfection) comme maline allégorie de la situation (détruisons tout pour reconstruire). Mais au-delà de cet aspect plastique rutilant mais pas frimeur, TENDER SON ennuie. Franchement. Le mythe de Frankenstein bien ancré dans l’inconscient, aucune surprise ne parvient à filtrer, jusqu’aux métaphores (l’innocence de la monstruosité, le miroir que le monstre tend à ses créateurs…), elles aussi évidentes et courues d’avance. Le métrage se déroule avec lenteur, beaucoup de lenteur. De silences pesants, d’un regard clinique et détaché, et de dialogues que n’auraient pas renié les Nuls dans leurs parodies bergmaniennes. Autant de pesanteur, finissant par donner à TENDER SON des atours prétentieux inutiles. Un manque cruel de force émotionnelle et de partage, qui ne fait pas de TENDER SON un mauvais film. Loin de là. Juste un opus pétri de qualités, mais peinant à offrir du plaisir et qui, de fait, s’oubliera vite.

Tender Son, de Kornél Mundruczo, Hongrie. Avec Lili Monori , Kornél Mundruczo. 1h42. Prochainement

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