Cannes 2010 : La Princesse de Montpensier / Critique

16-05-2010 - 12:00 - Par

MontpensierBandeau

De Bertrand Tavernier. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis officiel : 1562, la France est sous le règne de Charles IX, les guerres de religion font rage… Marie de Mézières, une des plus riches héritières du royaume, aime le jeune duc de Guise, celui que l’histoire prénommera plus tard le Balafré. Elle pense être aimée de lui en retour. Son père, le marquis de Mézières, guidé par le souci d’élévation de sa famille, la pousse à épouser le prince de Montpensier. Ce dernier est appelé par Charles IX à rejoindre les princes dans leur guerre contre les protestants. Le pays est à feu et à sang. Afin de protéger sa jeune épouse, le prince l’envoie en compagnie du comte de Chabannes dans l’un de ses châteaux les plus reculés, Champigny. Le hasard des choses et le cours de la guerre font que Guise et le duc d’Anjou, futur Henri III, viennent séjourner à Champigny alors que Montpensier y a rejoint Marie. Anjou s’éprend à son tour de la princesse à laquelle Chabannes a succombé lui aussi…

Après avoir livré avec DANS LA BRUME ELECTRIQUE son film américain, polar sombre et moite, Bertrand Tavernier revient à l’essentiel de la culture française avec un pur film en costumes, situé au XVIeme siècle. Un contrepied qui au final, ne semble pas si brutal que ça : le cinéaste aborde son nouvel opus avec la même volonté d’immersion dans la culture, le langage, l’atmosphère sensorielle de l’époque et du lieu qu’il filme. A la moiteur du bayou et de sa langue claquante succède donc l’humidité grisâtre des campagnes françaises et les mots fleuris du XVIeme. Mais toujours avec la même ferveur d’explorer et de se plonger totalement dans un univers choisi.

A la manière d’une machine à voyager dans le temps, le nouveau Tavernier nous envoie à une époque abstraite appréhendable uniquement via les livres d’histoire, puis nous la rend concrète. La langueur de l’époque transpire de chaque scène du quotidien. Les batailles, elles, filmées en plans larges sans effusion de découpage, ne sur-dramatisent jamais. Une volonté de ne pas sombrer dans l’épique, qui paie : la puissance et la cruauté des combats en jaillissent avec fureur. On pourra toutefois déplorer un manque certain de moyens : aucun plan d’exposition pour nous monter le Paris de l’époque (notamment le Louvre, lieu de la Cour du Roi), laissant plus place à la frustration qu’à l’imagination ou au ressenti. Ce certain classicisme (frilosité ?) se refusant les images de synthèse et collant aux limites de l’industrie française, est d’autant plus rageant que LA PRINCESSE DE MONTPENSIER affiche un score signé Philippe Sarde d’une modernité tonitruante, rappelant par moments les meilleures compositions de Hans Zimmer. Mais ces considérations budgétaires ou ces choix visuels n’entachent pas l’essentiel : la force du récit.

En abordant le destin de cette princesse courtisée par quatre hommes d’univers et aux comportements radicalement différents, Bertrand Tavernier exalte la force destructrice de la passion, explore avec intensité chaque sursaut des cœurs, tout en livrant un regard profondément féministe. Cette partition de choix est embrassée avec grâce par Mélanie Thierry, qui, deux mois après son premier César, confirme qu’elle se prépare à une grande carrière. Tout comme Raphaël Personnaz, jusqu’alors peu connu. A contrario de Gaspard Ulliel, Grégoire Leprince-Ringuet ou Lambert Wilson, qui luttent parfois avec un texte très académique, Thierry et Personnaz s’en emparent avec une dextérité et une fluidité déconcertantes, balayant son lyrisme de la main et le rendant profondément actuel et marquant. Les états d’âme de leurs personnages n’en sont que plus prenants et bouleversants.

La Princesse de Montpensier, de Bertrand Tavernier, France. Avec Lambert Wilson, Mélanie Thierry, Grégoire Leprince-Ringuet. 2h15. Prochainement

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