Cannes 2010 : Carlos / Critique

19-05-2010 - 20:05 - Par

CarlosBandeau

D’Olivier Assayas. Sélection officielle, hors compétition.

CarlosPosterSynopsis : Carlos retrace l’histoire d’Ilich Ramirez Sanchez qui, durant deux décennies, fut l’un des terroristes les plus recherchés de la planète. Entre 1974, à Londres, où il tente d’assassiner un homme d’affaires britannique, et 1994, quand il est arrêté à Khartoum, il aura vécu plusieurs vies sous autant de pseudonymes, et traversé toutes les complexités de la politique internationale de son époque. Qui était Carlos, comment ses identités entrecroisées, superposées, s’articulent-elles, qui était-il avant de s’engager corps et biens dans sa lutte sans fin ?

Après des tergiversations en coulisses pour la sélection de la mini-série Canal+ CARLOS, réalisée par Olivier Assayas, la voici donc présentée en intégralité lors d’une projection d’un seul tenant de 5h30 et des bananes. Si la déception était grande de ne pas le voir sélectionné en compétition a priori, l’excitation face au projet n’en était pas amoindrie. Au final, pas sûr que voir CARLOS en un seul bout soit la meilleure manière de l’apprécier, tant l’oeuvre d’Assayas s’avère dense (trop ?), riche en détails livrés en cascade, et disons-le, inégale.

La première partie, explorant les jeunes années du terroriste et ses premiers faits d’armes claque comme un coup de fouet imparable. Rythme endiablé, mise en scène ultra-nerveuse, récit efficace malgré ses multiples pistes et déviations… : la genèse de Ilich Ramirez Sanchez, révolutionnaire ambitieux, recèle de suffisamment d’ambiguïté pour inspirer Assayas et fournir une narration riche en question et enjeux dramatiques. Comme dans presque tous les films biographiques, ce sont donc les débuts du mythe qui fournissent ici les meilleurs moments. Passés les 98 premières minutes, CARLOS apparaît comme un bloc majestueux, o Edgar Ramirez livre une performance sidérante de puissance, d’intensité et de naturel.

Sauf que dès la deuxième partie, le moteur se met à toussoter. La prise d’otages d’un sommet de l’OPEP en 1975 se retrouve au centre du récit. Fait de gloire de Carlos et sa bande, cet événement emblématique de sa « carrière » permet au deuxième épisode de démarrer sur les chapeaux de roue. La prise d’otages elle-même est une fois de plus étouffante, haletante, et étudie avec minutie la pensée du terroriste, toute en honneur hypocrite, paranoïa et égocentrisme gonflé à bloc. Une façon pour Assayas d’éviter toute glorification et cerner plus avant les limites de l’esprit révolutionnaire, et les arcanes peu reluisantes de la politique des années 70. Sauf que le second mouvement de cet épisode finit par s’enliser. Trop long, trop répétitif, s’attardant sur des points de détails nuisant à l’efficacité : CARLOS s’essouffle.

Un état de fait confirmé dans la dernière partie : Carlos devient inutile, moins dangereux aux yeux du monde, trahi par tous ses alliés. Récit elliptique, allers-retours incessants entre les différentes planques de Carlos (Syrie, Lybie, Soudan…), enjeux dramatiques dilués dans les sauts temporels : Assayas use de langueur et d’un défaut d’enjeux dramatiques forts pour explorer la ringardisation du terroriste et sa fin peu reluisante. Mais à force d’être si exhaustif dans les faits, si littéral, CARLOS perd tout simplement sa force romanesque, et l’une des qualités majeures des deux premières parties – son récit ultra-documenté – en devient sa faiblesse. Oui, on en apprend beaucoup. Peut-être trop, au détriment de l’efficatité et de la compréhension générale du personnage. Steven Soderbergh, avec son CHE décrié, avait sans doute, au final, trouvé la formule idéale : choisir deux moments clés de la vie de Guevara et les traiter de deux manières radicales, pour saisir la substantifique moelle du mythe.

Mais sans doute que voir CARLOS en trois fois, tel qu’il a été conçu, aidera le spectateur à ne pas se sentir submergé et ainsi éviter cette impression d’érosion du récit. Car ne mégotons pas sur notre plaisir : CARLOS demeure, malgré ses quelques défauts, une oeuvre ambitieuse de référence et un biopic aussi instructif que prenant.

Carlos, de Olivier Assayas, France. Avec Edgar Ramirez, Julia Hummer. 5h30.

CarlosPic2

CarlosPic3

CarlosPic5

CarlosPic6

CarlosPic9

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.