Cannes 2010 : Route Irish / Critique

20-05-2010 - 20:43 - Par

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De Ken Loach. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : Deux amis, Fergus et Frankie, officient en tant que contractants privés au sein d’une agence de sécurité basée en Irak. Chaque jour, ils risquent leurs vies dans un pays ravagé par la guerre et les attentats, mais aussi par l’appât du gain. Lorsque Frankie meurt sur la Route Irish qui sépare l’aéroport de Bagdad de la Zone Verte, Fergus, abattu par le chagrin et la culpabilité, rejette la version officielle et décide d’enquêter afin de découvrir la vérité.

Ken Loach est homme de défi, et a prouvé la diversité de son style tout au long de sa carrière. Rien que ces dernières années, il est passé de la fiévreuse chronique sociale (SWEET SIXTEEN, IT’S A FREE WORLD), au film historique pétri de classicisme romanesque (LE VENT SE LEVE), ou au « feel good movie » (LOOKING FOR ERIC). Avec en ligne de mire, toujours le même credo : l’engagement, qu’il soit politique ou social. Avec ROUTE IRISH, nouveau challenge : signer un thriller tournant autour de la guerre en Irak. Ou comment un ancien soldat devenu freelance pour une agence de sécurité souhaite découvrir la vérité sur la mort de son meilleur ami.

Sur le papier, on en bavait d’avance, d’autant que la rumeur courait que ROUTE IRISH verrait Loach s’aventurer sur un terrain « Paul Greengrass-esque » avec explosions, fusillades, et caméra à l’épaule à la clé. C’est le cas, dans de rares scènes, plutôt bien exécutées, à défaut d’afficher une réelle personnalité. Sans vouloir tirer sur l’ambulance, la déception qui en résulte nous a cueillis à froid. ROUTE IRISH foisonne de thèmes passionnants : la relation amoureuse entre le personnage principal, Fergus, et la veuve de son meilleur ami ; l’esprit totalement baisé de Fergus, usé et transformé par la guerre ; la rapacité des contracteurs privés s’enrichissant sur des territoires en proie à la violence ; les mensonges de guerre ; la question de la torture… Sauf qu’aucun n’est traité avec suffisamment de rigueur ou de force pour convaincre totalement.

La faute à un scénario sur lequel le spectateur n’a pas une, mais dix longueurs d’avance. S’essayant à un type de narration qu’il ne maîtrise pas (l’efficacité), Ken Loach filme des gens parlant de choses s’étant déroulées ou s’étant dites, sans que jamais l’émotion ne filtre ou que des enjeux dramatiques forts en découlent. A contrario du ANOTHER YEAR de Mike Leigh. Comment fonder une investigation sur des ouï-dires si l’on ne montre jamais en image ces mensonges et fausses pistes ? Comment créer la moindre tension si l’on ne peut se reposer sur aucune ambiguïté si ce n’est celle de personnages montrés dès le départ et maladroitement comme des pourris ? C’est tout le problème de ROUTE IRISH. Pire : à vouloir à tout prix expliquer la mort du meilleur ami de Fergus, Loach signe un long-métrage commun, sans aucune zone d’ombre audacieuse. Le récit semble enserré, incapable de s’affranchir de sa mécanique dialoguée et de son postulat de départ (complot il doit y avoir), et de créer la surprise. On ne s’était jamais ennuyé de la sorte devant un Ken Loach. C’est chose faite. Vivement le prochain.

Route Irish, de Ken Loach. Grande-Bretagne. Avec Mark Womack, Andrea Lowe, John Bishop, Trevor Williams, Talib Rasool. Prochainement.

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