Notre Jour Viendra : chronique

10-09-2010 - 17:14 - Par

BANDEAUNOTREJOURVIENDRA

Le premier long-métrage de Romain Gavras est une grande démonstration de son talent visuel. Et dans le fond, c’est pas mal non plus.

Patrick est un psy à problèmes et Rémy, un ado à problèmes. Les deux partagent aussi, comme névrose identitaire, cette chevelure rouquine qui leur vaut d’être marginalisés. Dans une impulsion de liberté, ils vont tout plaquer pour vivre ensemble leur différence et peut-être rejoindre l’Irlande, patrie des roux.
Que Romain Gavras revendique son film comme « une comédie romantique sans Jennifer Aniston ni Hugh Grant », ça nous rappelle vaguement les bons discours promo en bois. Sans nul doute, NOTRE JOUR VIENDRA est l’une des plus provocantes histoires d’amour de l’année, que son asexualité rend d’autant plus subtile, mais pourquoi s’évertuer à décrire son film par un raccourci inconséquent ? Mettons ça sur le compte d’une pudeur maladive ou d’un tic acquis à longueur de polémiques engendrées par ses précédents clips…


JourViendra-Poster« Je voulais parler de questions identitaires sans être frontal, par le biais d’un décalage surréaliste. Disons que NOTRE JOUR VIENDRA est un film qui se sert des roux comme symbole de la différence. Ils ont un sentiment d’appartenance à un peuple qui n’aurait ni pays, ni langue, ni armée ». Accompagnant cet élan d’honnêteté verbale (réservée au dossier de presse), un film d’une beauté renversante. Visuellement, le talent de Gavras n’est plus à prouver. Le jeune homme est surdoué, filme les aires d’autoroutes et les corons avec une sensibilité bouleversante, peignant des camaïeus de vert, de gris, de bleu et de briques dont les cinéastes scandinaves et britanniques pensaient avoir, seuls, le monopole. Et filmant les « gens » avec, semble-t-il, une véritable curiosité pour l’humain.

À la bonne école du clip, il ne se laisse pas pour autant vampiriser par l’image. Gérant son récit du mieux qu’il peut pour un premier film, il déroule l’amitié amoureuse de deux frustrés, supportant difficilement l’épanouissement de l’autre, autopsiant au passage le communautarisme plus qu’un quelconque sentiment d’appartenance, la haine qu’engendre la stigmatisation d’une minorité, le besoin de revendiquer son identité et le conflit latent entre l’individu et le groupe, le besoin d’amour exclusif et la reconnaissance. Des sujets complexes finement distillés dans un road movie d’une force émotionnelle rare, desservi pourtant par de soudaines et inexplicables propensions à se prendre trop à la légère.

JourViendra-PicDes situations drôles, des dialogues exceptionnellement bien tournés, NOTRE JOUR VIENDRA en regorge. Parfois grâce à l’écriture mais souvent grâce à Vincent Cassel, génial dans son personnage de manipulateur mental, aigri contre le genre humain malgré son fonds de commerce basé sur la bienveillance. Un homme captivant, pétri de violence refoulée, qui laisse à quelques occasions éclater son affection pour sa jeune victime consentante ou sa pure méchanceté. Et c’est souvent lorsque Gavras doit filmer ces personnages dans leur laideur morale qu’il esquive l’exercice en redoublant d’absurde, comme si, ce faisant, il n’avait pas à les juger.
Très complaisant avec ses deux anti-héros, il peut même parfois verser dans le non-sens au détriment d’un récit ramassé et brutal, évitant alors d’avoir à trop explorer ce que l’âme humaine a de plus sombre. Ainsi, le « décalage surréaliste » si utile à Gavras pour se garder d’être « frontal » peut d’autant plus être frustrant.
Malgré tout, on décèle aisément dans NOTRE JOUR VIENDRA, au-delà de la filiation de son réalisateur, au-delà des influences assumées telles que LES VALSEUSES de Blier ou la comédie italienne des 70’s, la patte d’un cinéaste dont l’imparable solidité n’est plus qu’une question de temps. Si la façon de faire nous émeut autant qu’elle nous agace, c’est que le travail de Gavras est quelque part, d’une manière qu’on a du mal à pointer réellement du doigt, fascinant.

Notre Jour Viendra, de Romain Gavras, France. Avec Vincent Cassel et Olivier Barthélémy. 1h30. Sortie le 15 septembre.

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