Scott Pilgrim : chronique

28-10-2010 - 10:00 - Par

CHRONIQUE-SCOTT-PILGRIM

On a longtemps attendu le nouveau Edgar Wright, adapté de la très chouette BD de Bryan Lee O’Malley. Ça valait vraiment le coup d’être patient.

Scott Pilgrim fait du rock-garage à Toronto avec son groupe The Sex Bomb-Omb. Il partage son lit en tout bien tout honneur avec son colocataire gay et sort avec sa groupie n°1, Knives Chau, dans une relation plus-chaste-tu-meurs. Sa vie lambda de glandeur canadien bascule le jour où il tombe raide dingue de Ramona Flowers, coursière pour Amazon, fille trop cool venue de New-York et sujette à tous les fantasmes. Routière de la relation sans lendemain, elle consent à sortir avec Scott, mais gare à lui : ses sept ex-boyfriends vont lui tomber dessus les uns après les autres et il faudra tous les combattre s’il veut devenir son légitime. Est-ce à dire que SCOTT PILGRIM, c’est pas du Shakespeare ? C’est le moins qu’on puisse dire. Mais il s’appuie autant sur le récit classique qui fonde les contes ancestraux comme les jeux vidéos, que sur l’hypercommunication contemporaine et son rythme frénétique. Au final : c’est d’une simplicité imparable comme le premier film en 8 bits qu’aurait créé le cinéma.


POSTER-SCOTT-PILGRIMConstruit linéairement sur une progression en niveaux (1er boyfriend = 1er boss et ainsi de suite), SCOTT PILGRIM ne s’embarrasse pas de fioritures narratives, notamment grâce à des enjeux triviaux, une présentation expéditive et non moins limpide des personnages et une certaine économie du dialogue. Mais SCOTT PILGRIM, et a fortiori Edgar Wright –dont c’est le meilleur film – va bien au-delà de ses inspirations vidéo-ludiques purement narratives. Pour servir son scénario au cordeau, il en pompe l’habillage visuel et sonore des vieux opus (synthétiseurs et gros pixels), l’hystérie nipponisante des jeux d’arcade de baston, si bien que l’aventure de Scott, combattant ses assaillants en rang d’oignons, est sûrement le gameplay le plus cinématographique auquel on ait joué. Crossmédia, on appelle ça.

Transitions vives, raccords judicieux, le film progresse au galop, slalomant dans l’histoire avec un sens du montage inouï, usant sans complexe des ellipses les plus osées, adaptant avec une intelligence rare les codes de la BD sur grand écran. Et ce, en s’appuyant sur ses habitudes de cadrages bien sûr, mais aussi sur cette manière très particulière de croquer les décors, de figer des expressions (stoïcisme, surprise, rage, prétention…) ou de redoubler d’onomatopées, dans la plus pure tradition comics. Et même l’exercice si périlleux du sacrosaint flashback est survolé, Edgar Wright n’hésitant pas à « fastforwarder » ses propres images. Un univers hypervisuel certes, qu’on pourrait presque taxer d’être un monde gadget creux, où l’animation au pinceau côtoie le live action et la palette graphique de manière insensée et injustifiée. Mais la force du film, c’est aussi qu’il va au-delà de son hyperstyle résolument moderne. Et s’il s’affranchit de la bienséance cinématographique, il n’en est pas pour autant une coquille vide jolie à regarder et impossible à méditer.

SCOTTPILGRIM-PIC-1Servi par des acteurs au sens du comique millimétré (de Brandon Routh à Chris Evans, en passant par Michael Cera qui transcende son habituel rôle de jeune apathique avec une énergie incroyable), SCOTT PILGRIM n’est pas que kawaï et graphique. Il est aussi un conte de fée décalé, où la princesse a revêtu la panoplie de la femme moderne, et où le chevalier blanc n’est autre qu’un rocker grunge dont les techniques de combat résultent d’une pratique assidue d’un ersatz ninja de « Dance Dance Revolution ». Avec pour tout sidekick, son ancienne petite amie, une lycéenne asiatique pucelle. Et puis, il y a les 7 dragons comme 7 raisons de ne pas s’investir en amour, 7 ex diaboliques, tantôt penseur végétalien, tantôt DJ prétentieux, tantôt star narcissique de blockbuster, à combattre à la régulière (avec les poings, ou un riff de guitare) ou par la ruse. Et par ce film-là, en tout point générationnel, Wright déroule l’air de rien un magnifique conte sur la jeunesse d’aujourd’hui, sa crainte d’aimer et la culture du virtuel comme filet qui la protège du grand saut vers la vie réelle. Et puis apprendre à aimer l’autre, autant que les lourds bagages qu’il trimballe, c’est la petite morale de l’histoire. On aura rarement vu film plus libre de forme et de ton, et plus joliment poétique depuis bien longtemps.

Scott Pilgrim, de Edgar Wright, USA/GB. Avec Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Brandon Routh. 1h52. Sortie le 1er décembre

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