127 HEURES : Chronique

23-02-2011 - 16:14 - Par

L’histoire vraie d’une tête brûlée prise en otage par la nature, par sa nature, sous l’oeil plein de vie de Danny Boyle.

C’est l’histoire vraie – adaptée des mémoires « Plus fort qu’un roc » –, d’un type qui se coupe un bras pour s’extirper d’un éboulement. Voilà peu ou prou la manière triviale de présenter le nouveau Danny Boyle, qui a fait le tour des festivals en laissant les spectateurs pris de malaise devant une brève scène où l’on déchire des tendons avec une lame émoussée. Des muscles et des nerfs qui relient la partie morte et putréfiée d’un bras coincé par un roc, à la chair encore vivante. 127 HEURES, ou la biopsie d’Aron, 27 ans, impétueux, social en apparence mais profondément égoïste, coincé dans une faille d’un désert américain, à mi-chemin entre sa vie et sa mort.

Aron n’a prévenu personne de son escapade en pleine nature, il n’a pas répondu à sa mère qui lui téléphonait alors qu’il préparait son sac, et il a tout fait pour que les deux randonneuses qu’il a croisées au début de son périple ne le retrouvent jamais. Puis c’est l’accident et Aron passera 127 longues heures à lutter pour sa survie, comprenant que personne ne viendra le sauver et qu’il n’est en aucun cas maître de son destin. Et voilà en quoi 127 HEURES est la réponse parfaite à LA PLAGE, SUNSHINE ou SLUMDOG MILLIONAIRE, affrontements entre l’homme et son environnement. Des histoires simples, vibrantes, de quelques personnages qui récoltent ce qu’ils ont semé, mais n’en restent pas moins l’une des nombreuses pièces d’un puzzle insondable.

Car Boyle est de ces rares réalisateurs à exalter la petite histoire, aussi morbide soit-elle, pour filmer ce qui nous lie tous, nous, atomes d’un « tout » métaphysique.

À l’écran, le jouet de Boyle, c’est James Franco, über-acteur à l’aise avec son image de beau gosse souriant, évoluant à Hollywood en échappant à ses pièges. Au cours d’une grande leçon d’existentialisme, James Franco (plutôt son double fictionnel et fusionnel) se transforme sous nos yeux en humain retrouvant sa nature animale, buvant sa pisse, pleurant papa, maman, la gonzesse qui l’a largué après avoir percé à jour son égotisme certain. Le tout devant la caméra vivante de Boyle qui fait de l’histoire a priori infilmable d’un homme laissé seul face à lui-même une symphonie aux mouvements parfaitement agencés, alternant flashbacks, fantasmagories diaprées, délires bourrés de regrets et d’espoir. Boyle peut tout filmer, dans une beauté exceptionnelle, au mépris des genres. Et c’est avec l’inventivité et l’audace qu’on lui connaît qu’il transcende le piège du huis clos en pleine nature et reconnecte Aron à son humanité, à l’univers et aux autres, le tout dans une apothéose cinématographique qu’on se refuse à déflorer.

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