L’AIGLE DE LA NEUVIÈME LÉGION : chronique

20-04-2011 - 17:58 - Par

De beaux mecs en jupette, des glaives, des sandales, de la boue, des formations en tortue et de l’amitié virile : le péplum est de retour. Mais sous la houlette d’un réalisateur pas comme les autres, Kevin Macdonald. « On a eu chaud », dirait Néron.

En 140 après J.-C., Marcus Aquila (Channing Tatum), un commandant romain, a les glandes. Voilà vingt ans, son père est parti en mission et a disparu au nord de l’Angleterre avec toute sa légion et son emblème, un aigle en or. Pour laver cet affront, le centurion Aquila prend son esclave Esca (Jamie Bell) sous le bras et part dans des contrées sauvages pour retrouver l’aigle et le ramener à Rome. Avec le carton inattendu de GLADIATOR en 2000 (457 millions de dollars de recettes dans le monde), tout le monde pensait voir le péplum revenir en grâce. Il a certes été revu à la sauce politique thriller (ROME), bourrine (300, CENTURION), voire cul-plaisir coupable (la série SPARTACUS), mais il n’est jamais parvenu à renaître sous sa forme la plus primitive et jubilatoire : celle de l’aventure pour l’aventure. En adaptant un bouquin chéri des kids anglais écrit par Rosemary Sutcliff en 1954, Kevin Macdonald redonne enfin au genre une grande bouffée d’air frais. Et ironiquement, il le rend de nouveau actuel en regardant par-dessus son épaule et en livrant un long-métrage profondément old school. Macdonald, connu pour LA MORT SUSPENDUE ou LE DERNIER ROI D’ÉCOSSE, mais également pour ses nombreux documentaires, se la joue en effet modeste. Plutôt que de rechercher à tout prix le gros spectacle épique 2.0, avec cascades et batailles furieuses de rigueur, il limite les moments de bravoure à quelques rares scènes qui ouvrent et closent le récit. Car ici, au centre de toutes les attentions, se situent les émotions humaines, celles de personnages redoutablement écrits et interprétés, qui se débattent dans un monde où les valeurs morales se portent haut, comme autant d’étendards. L’honneur pour tout principe, la difficile tâche de succéder à ses aînés ou de pérenniser des traditions sont autant de clés de voûte du récit. Autant le dire : L’AIGLE DE LA NEUVIÈME LÉGION fera glousser les cyniques pour qui voir deux hommes se serrer la pogne la larme à l’œil a tout d’un gimmick. C’est pourtant cette simplicité sincère et ce goût du travail artisanal qui font du film une franche réussite. D’autant que pour les plus exigeants, derrière cette aventure prenante et superbe visuellement se cache un sous-texte passionnant et polémique, qui dissèque sans fard les conflits afghans et irakiens. Allier le plaisir immédiat généré par un genre désuet traité avec respect, et un propos moderne et réfléchi, telle est la gageure de cet AIGLE convaincant de bout en bout.

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