Cannes 2011 : DRIVE / Critique

20-05-2011 - 11:50 - Par

De Nicolas Winding Refn. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : Un jeune homme solitaire, The Driver,  conduit le jour à Hollywood pour le cinéma en tant que cascadeur et la nuit pour des truands. Ultra professionnel et peu bavard, il a son propre code de conduite. Jamais il n’a pris part aux crimes de ses employeurs autrement qu’en conduisant – et au volant, il est le meilleur! Shannon, le manager qui lui décroche tous ses contrats, propose à Bernie Rose, un malfrat notoire, d’investir dans un véhicule pour que son poulain puisse affronter les circuits de stock-car professionnels. Celui-ci accepte mais impose son associé, Nino, dans le projet. C’est alors que la route du pilote croise celle d’Irene et de son jeune fils. Pour la première fois de sa vie, il n’est plus seul. Lorsque le mari d’Irene sort de prison et se retrouve enrôlé de force dans un braquage pour s’acquitter d’une dette, il décide pourtant de lui venir en aide. L’expédition tourne mal… Doublé par ses commanditaires, et obsédé par les risques qui pèsent sur Irene, il n’a dès lors pas d’autre alternative que de les traquer un à un.

Il est extrêmement satisfaisant (pour ne pas dire jouissif, trop galvaudé) de voir qu’un cinéaste qui travaille un art quasi-expérimental, violent et appelant volontairement à un certain rejet (on pense surtout à l’hystérie de BRONSON ou l’exigence de VALHALLA RISING) depuis des années, mette son audace au service d’un film plus… disons… accessible. C’est intelligent, vicieux, d’infiltrer le grand public ainsi, d’autant qu’il n’en perd ni en violence ni en poésie. DRIVE est définitivement notre Palme d’Or de ce festival, non parce que nous aimons et défendons Refn depuis bien longtemps, ni même parce que nous suivons l’avancée du projet depuis ses prémices. Mais simplement parce qu’il nous a redonné l’envie d’employer ce mot (tout aussi galvaudé que celui de jouissif) : chef d’œuvre. Alors on va se calmer et boire frais et tenter de ne pas violer le long-métrage sacré que vient de nous offrir Refn.

Driver (Ryan Golsing) fait son beurre en tant que cascadeur pour Hollywood et chauffeur pour braquages. Il trace seul sa route dans Los Angeles mais tombe amoureux de sa voisine (Carey Mulligan), dont le mari (Oscar Isaac) est en prison. Une fois celui-ci sorti de taule mais pas débarrassé de ses anciennes fréquentations, il se fait aider par Driver pour payer ses dettes. Ca va très mal tourner.

On pourrait se focaliser sur la violence visible et gore du film, lové entre plusieurs histoires brillantes (de mafia, de casse et de vengeance), ou au choix, se laisser porter par l’indicible poésie de la chose. Que Refn convoque Kubrick (comme tant de fois avant ça), Scorsese ou Mann, sans être pieds et poings liés à ses apparentes inspirations, n’est pas l’important. Car au delà de ça, il y a l’histoire d’un homme tentant la rédemption et l’histoire d’amour – sorte de LA BELLE ET LA BÊTE languide et cérébral – qui permet de faire de Driver le nouveau mètre étalon du héros romantique de ce début de siècle. A fortiori, Ryan Gosling (toujours fascinant) se voit immédiatement propulsé néo-Steve McQueen de notre époque, avec (désolée pour les puristes) ce truc en plus, cette chaleur, cette faculté à baisser les armes sans vanité (voir aussi BLUE VALENTINE), qui en fait le meilleur acteur du moment probablement.

Filmé par son réalisateur comme objet total de fantasmes (pas les plus sains forcément), il embarque le public dans sa fuite en avant sanglante et si triste qu’on en pleure littéralement. Et cette mélancolie, ce profond désespoir que l’on ressent n’en est entériné que davantage par la mise en scène virtuose du réalisateur danois, qui filme emphatique pour mieux opter pour une raideur de récit, tendu et terriblement anxiogène, et une économie de dialogues. D’ailleurs, pour nous aussi, les mots sont trop triviaux pour parler de DRIVE.

Drive, de Nicolas Winding Refn. Avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Christina Hendricks, Bryan Cranston. 1h40. Sortie le 5 octobre.

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