De Xavier Durringer. Sélection officielle, hors compétition.
Synopsis : 6 mai 2007, second tour de l’élection présidentielle. Alors que les Français s’apprêtent à élire leur nouveau Président, Nicolas Sarkozy, sûr de sa victoire, reste cloîtré chez lui, en peignoir, sombre et abattu. Toute la journée, il cherche à joindre Cécilia qui le fuit. Les cinq années qui viennent de s’écouler défilent : elles racontent l’irrésistible ascension de Sarkozy, semée de coups tordus, de coups de gueule et d’affrontements en coulisse. LA CONQUÊTE ou l’histoire d’un homme qui gagne le pouvoir et perd sa femme.
Annoncé à grand renfort d’un statut de « premier film français sur un Président encore en exercice », LA CONQUETE se voulait événementiel. Evidemment, le projet intriguait. Surtout que s’il y a maintes choses à dire sur Nicolas Sarkozy, on craignait que LA CONQUETE n’ait rien de plus à nous montrer que ce que le politicien a offert aux médias depuis maintenant neuf ans et son accession au Ministère de l’Intérieur. Une crainte confirmée : à quiconque aura ouvert un journal, allumé un poste de télé ou de radio durant la dernière décade, LA CONQUETE n’apprendra rien. Des disputes internes à l’UMP opposant Chirac et Villepin à Sarkozy, en passant par les soucis conjugaux de ce dernier, jusqu’à sa volonté de cannibaliser autant les voix de gauche que d’extrême droite, tout dans LA CONQUETE a été déjà analysé dans les journaux.
Dès lors, si Xavier Durringer ne peut nous révéler la moindre information inédite, il n’avait qu’une solution pour donner à son film une personnalité : le point de vue. Raté, puisqu’il débute LA CONQUETE par un carton mi-normand mi-ironique assurant que « le film est une oeuvre de fiction » même s’il « s’inspire de faits et personnes réels ». Parlez d’un engagement. Et durant 1h45, le cinéaste se refuse à observer Nicolas Sarkozy avec la moindre subjectivité, qu’elle soit positive ou négative. L’un ou l’autre aurait été intéressant, surtout avec un Président aussi polémique. Mais Durringer préfère s’intéresser à Sarkozy comme on le connaît (nerveux, omniprésent, bête politique…) et comme « homme amoureux » perdant son épouse. Le cinéaste n’en tire aucune émotion, aucune ambiguité. N’osant poser son propre regard sur le Président, Xavier Durringer préfère laisser la parole à des agents extérieurs. Là encore, une idée intéressante, et un moyen détourné de livrer une opinion, quelle qu’elle soit. Sauf qu’il ne donne la parole ni aux opposants de Sarkozy (aucun personnage de gauche !), ni à la rue. Ainsi, des affaires comme celle du « Kärcher » ou des « racailles » ne sont analysées que par le regard de Jacques Chirac et Dominique de Villepin, seuls contrepoint narratifs de Nicolas Sarkozy. Le duo fait presque office de « méchants » du film. Le deuxième surtout, est montré couard, menteur, manipulateur, imbu de sa personne. Un portrait très tranché, dont on ne juge pas la véracité, mais qui contraste avec celui de Nicolas Sarkozy, qui apparaît presque bon enfant, comme simple victime répondant avec ardeur aux attaques dont il est la cible.
Alors oui, on rit parfois devant LA CONQUETE, grâce aux dialogues assez ahurissants de vie et de malice de Patrick Rotman, mais l’on aurait aimé que ce dernier, responsable d’un passionnant documentaire sur Jacques Chirac, donne autant de mordant à son scénario. Les acteurs eux aussi, sont plutôt appréciables, mais à trop jouer la carte de l’imitation, il semble parfois que Laurent Gerra a dirigé tout ce beau monde, plutôt qu’un réalisateur de cinéma. On sort donc de LA CONQUETE sans grand enthousiasme, et avec la désagréable impression d’avoir assisté à une reconstitution luxueuse de l’actualité. Ce n’est peut-être que nous, mais pour ce genre de films, on aime que le cinéma nous apporte un peu plus…
La Conquête, de Xavier Durringer. Avec Denis Podalydès, Florence Pernel, Bernard Le Coq. 1h45. Sortie le 18 mai.
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