Cannes 2011 : THE TREE OF LIFE / Critique

16-05-2011 - 18:00 - Par

De Terrence Malick. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : Jack grandit entre un père autoritaire et une mère aimante, qui lui donne foi en la vie. La naissance de ses deux frères l’oblige bientôt à partager cet amour inconditionnel, alors qu’il affronte l’individualisme forcené d’un père obsédé par la réussite de ses enfants. Jusqu’au jour où un tragique événement vient troubler cet équilibre précaire…

Après maints délais et trois ans après le tournage, le voilà donc, ce fameux TREE OF LIFE de Terrence Malick, drainant multiples questions à 1000 euros : tient-il ses promesses ? Est-il ou non le 2001 du cinéaste ? Réinvente-t-il le langage cinématographique ? Difficile de se prononcer avec une totale objectivité à chaud, après un seul visionnage. On n’ira pas jusqu’à dire que la déception est à la hauteur de l’attente, car il fallait justement regarder ce TREE OF LIFE avec le plus de distance possible, pour le juger sur ce qu’il présente, ce qu’il est. Les promesses ne sont peut-être donc pas tenues – Malick ne signe pas son meilleur opus -, TREE OF LIFE n’a pas la splendeur de 2001 – quoiqu’il peut y être comparé, on va y revenir -, et le langage cinématographique va très bien merci, mais il se voit bel et bien chamboulé par un Malick particulièrement libre et expérimental.

Lors de la sortie du NOUVEAU MONDE, nombreux sont ceux ayant tiré à boulet rouge sur cette relecture de la vie de Pocahontas, arguant que Malick signait là un film presque standard. Alors qu’à nos yeux, le cinéaste livrait au contraire une superbe fresque évanescente, naturaliste, traitant l’Histoire comme peu savent le faire. Et où, surtout, il esquissait une superbe étude de personnages, charnels et poignants. C’est là que THE TREE OF LIFE pêche sans doute le plus. Alors que le film semble plutôt très personnel (il se déroule en partie à Waco, la ville de naissance de Malick), aucun de ses protagonistes n’a l’opportunité de prendre chair. Certes, Brad Pitt livre une belle performance en père adepte de l’éducation à la dure. Oui, Jessica Chastain est solaire, sans pour autant avoir grand chose à jouer. Et oui, les enfants sont tous convaincants. Mais ils semblent véhiculer simplement un propos plus grand, comme les jouets d’un récit qui les dépasse. Malick n’aurait-il que peu d’intérêt pour leur psychologie ? Leurs émotions ? Probablement, puisqu’il les utilise surtout pour conter sa Grande Aventure de la Vie. Signe de ce désintérêt : le personnage campé par Sean Penn, n’apparaissant qu’une poignée de minutes.

THE TREE OF LIFE se rapproche en cela du 2001 L’ODYSSEE DE L’ESPACE de Stanley Kubrick ; il aborde une foule de grandes questions universelles : d’où sommes-nous ? Qui nous gouverne ? Où va-t-on ? etc. Mais là où 2001 s’affichait en agnostique, laissant le spectateur décider si le monolithe était une représentation de Dieu, de la Nature, du Cosmos en général, ou du concept de progrès engendré par l’intelligence humaine, THE TREE OF LIFE se pose en film profondément religieux. Les personnages s’adressent à Dieu, l’interpellent, via des voix off parfois maladroites, voire didactiques. La présence du Divin est partout, dans chaque plan, dans chaque scène. Le combat entre la nature et la grâce, entre l’humain et le religieux, est central au récit. Si bien que THE TREE OF LIFE finit parfois par exclure tous ceux pour qui les mystères de la vie ne peuvent se résumer à une simple question de foi. Entre des personnages parfois transparents et un propos évangélique, THE TREE OF LIFE ne peut créer une émotion intemporelle ou universelle. Le film touchera, ou non, en fonction de la situation spirituelle et métaphysique de chacun. Mais il faudra creuser au plus profond de soi pour s’attacher au récit, et peut-être plusieurs visions permettront à la déception de s’estomper, et au film, de se révéler.

Car au-delà de ces légitimes doutes, impossible de ne pas voir dans THE TREE OF LIFE un pari cinématographique d’une envergure rare, et surtout, d’une liberté artistique dont seuls les plus grands auteurs peuvent faire preuve. Sa caméra ne tenant jamais en place, suivant chaque mouvement des personnages en un ballet euphorisant, Malick invente, cherche, expérimente, morcelle son récit, déconstruit sa narration, accumule les trouvailles de montage. Ce parti-pris esthétique qui étouffe les personnages et les empêche d’exister, s’avère dans le même temps une véritable expérience de cinéma. Le réalisateur se permet tout, parfois jusqu’au dérapage. Ainsi THE TREE OF LIFE est-il un film trop ambitieux. C’est aussi ce qui le rend attachant. Surtout que Malick, comme on nous l’avait promis, explore également « l’origine du cosmos ». Dans ces séquences, il retrouve ce talent si particulier qui est le sien : capter la beauté simple du vent dans les arbres, de la vie se déroulant sous nos yeux. Des scènes souvent belles à en pleurer, et qui mettent en perspective le destin de ses héros, de l’Homme sur Terre, la Vie en perpétuel renouvellement, le lien qui nous connecte à notre environnement.

THE TREE OF LIFE n’aura donc pas été nécessairement l’oeuvre définitive que tout le monde espérait. Malick n’est pas fautif, car il a, sans aucun doute possible, livré une oeuvre d’une grande honnêteté. THE TREE OF LIFE n’est peut-être pas le nouveau 2001 non plus, mais face à tant de beauté, mais aussi de défauts, on voudrait replonger au plus vite dans ce gros morceau de cinéma.

The Tree of Life, de Terrence Malick. Avec Brad Pitt, Sean Penn, Jessica Chastain. 2h18. Sortie le 17 mai.

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