Cannes 2011 : POLISSE / Critique

12-05-2011 - 23:22 - Par

De Maïwenn. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis : Le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) ce sont les gardes à vue de pédophiles, les arrestations de pickpockets mineurs mais aussi la pause déjeuner où l’on se raconte ses problèmes de couple ; ce sont les auditions de parents maltraitants, les dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables ; c’est savoir que le pire existe, et tenter de faire avec… 
Comment ces flics parviennent-ils à trouver l’équilibre entre leurs vies privées et la réalité à laquelle ils sont confrontés, tous les jours ? 
Fred, l’écorché du groupe, aura du mal à supporter le regard de Melissa, mandatée par le ministère de l’intérieur pour réaliser un livre de photos sur cette brigade.

Maïwenn, réalisatrice surprenante, d’un côté. Joey Starr, néo-comédien charismatique de l’autre. Et entre les deux, une ribambelle d’excellents acteurs tels que Karin Viard, Marina Foïs, Karole Rocher, Frédéric Pierrot. On attendait ce nouveau POLISSE, non sans en craindre un sacré syndrome bobo pour cette plongée dans la brigade de protection des mineurs par une réalisatrice encore jeune et qu’on pensait sympa mais perchée. Mea culpa et flagellations. POLISSE sera probablement le meilleur film français de l’année.

Alors qu’elle suit le quotidien des flics de la BPM, se mettant en scène elle-même en photographe préparant un recueil de clichés pour le compte du gouvernement, Maïwenn livre à la fois une tranche de vie de la brigade en plein boulot, et une galerie de portraits de tout ceux qui font d’elle une section primordiale des forces de l’ordre. Qu’ils soient confrontés aux fugues, à la pédophilie, aux maltraitances de tous types, ils représentent un panel de réactions bien distinctes face à ces affaires glauques d’abus sur mineurs et ils sont surtout au premier rang de la déliquescence des moeurs. Du chef qui, ramenant ses sales histoires à la maison, met son couple en péril, à l’agente qui voit tant d’horreur qu’elle plonge dans le déni de la maternité, en passant par ce keuf révolté en permanence et qui, en père de famille aimant, rêverait probablement de couper les couilles à chaque agresseur, l’immersion est totale, l’empathie aussi, dans leurs belles victoires d’enquêteurs bien sûr, mais surtout dans leurs pires défaites, les laissant démunis devant la cruauté des adultes et exsangues après avoir tant essayé de protéger les innocents.

Il y a la vie avec un brassard « Police » et puis, il y a le quotidien sans, celui qu’on ne vit qu’à moitié parce qu’on est trop conscient de la misère humaine et que cette connaissance profonde de l’injustice ne se laisse pas au bureau en passant la porte. Qui a dit chronique sociologique ? Drame social ? Disons une grosse claque, pour résumer.

Porté par une poignée d’acteurs qui scandent, vomissent, les mots, les insultes, les réflexions, les engueulades, les analyses et les vannes, avec une facilité déconcertante et une rage bouleversante, le film est bluffant par son réalisme, de bout en bout. Que certains dialogues soient improvisés où qu’ils soient rendus oralement avec un naturel providentiel, on salue bien bas la direction d’acteur de Maïwenn. C’est là son troisième film, mais il faut probablement être un sacré bout de femme, une vraie meneuse de troupe, pour parvenir à créer une telle cohésion dans un film si brutal et si viscéral, et pour parvenir à tenir son propos dans un récit si ténu et si dense. Non pas qu’il n’y ait pas deux ou trois digressions malheureuses (notamment autour de son personnage à elle) qui sortent brièvement le spectateur de sa chronique palpitante, mais rarement voit-on film si maîtrisé et si robuste qu’il peut se permettre de traiter la société dans ce qu’elle a de plus triste tout en se lovant dans un écrin de tendresse immense, saupoudré d’un humour tantôt noir, tantôt gaguesque, mais toujours d’une finesse salvatrice. Le mieux servi de tous reste probablement Joey Starr, filmé avec un réel amour par la réalisatrice, qui met un talent totalement inouï au service d’un personnage qui restera probablement dans les anales. On en est sorti à bout de souffle.

Polisse, de Maïwenn. Avec Maïwenn, Joey Starr, Marina Foïs. 2h14. Sortie le 19 octobre

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