Cannes 2011 : L’APOLLONIDE, SOUVENIRS DE LA MAISON CLOSE / Critique

15-05-2011 - 23:29 - Par

De Bertrand Bonello. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : À l’aube du XXème siècle, dans une maison close à Paris, une prostituée a le visage marqué d’une cicatrice qui lui dessine un sourire tragique. Autour de la femme qui rit, la vie des autres filles s’organise, leurs rivalités, leurs craintes, leurs joies, leurs douleurs… Du monde extérieur, on ne sait rien. La maison est close.

Une des expériences les plus frustrantes du spectateur de cinéma ? Avoir la douloureuse impression que le réalisateur passe totalement à côté d’un sujet bien plus passionnant que celui qu’il traite au final. L’APOLLONIDE pourrait faire un exemple parfait. Le dernier film de Bertrand Bonello se déroule dans un bordel parisien, à la fin du 19ème siècle puis au tout début du 20ème siècle et suit le quotidien de l’établissement, de ses clients et de leurs fantasmes, de la mère maquerelle et des filles travaillant là, emprisonnées. Parmi elles, Madeleine, qui lors d’une passe, est défigurée par l’homme qui l’a payée. Avec ce visage inspiré par Gwynplaine, « L’Homme qui rit » de Victor Hugo – adapté dans un long-métrage éponyme de Paul Leni en 1928 qui a lui-même inspiré par la suite le personnage du Joker dans « Batman » -, Bonello tenait un pur personnage de cinéma. Une idée romanesque et dérangeante, qu’on pensait être le point de départ idéal d’une étude sur les corps. Malheureusement, Madeleine, alias La Femme qui Rit, n’est qu’une prostituée parmi tant d’autres dans L’APOLLONIDE.

Et passé le premier quart d’heure, toutes les promesses s’effondrent. Le long-métrage devient une longue tirade sur les maisons closes. Une accumulation de scènes bavardes et/ou érotiques, dialoguées de façon croquignolette (« Vuitton ! Vuitton ! J’aime dire ce nom, cet homme est un génie », « Ouvre les cuisses, je dois voir l’intérieur de ton sexe pour peindre ton visage »). L’ennui se fait jour presque immédiatement, dès que l’on comprend que Bertrand Bonello n’a d’autre prérogative que de regarder ce monde vivre, avec maintes scènes répétitives de nudité et de passes, sans réel propos, mais avec une ambition romanesque qui échoue piteusement. Car il infuse son récit dans une prétention quelque peu poussive, voire risible, comme lorsque le cinéaste estime nécessaire de préciser que « novembre 1899 » est « le crépuscule du 19ème » et « mars 1900 » « l’aube du 20ème ». Ne parlons pas du dernier acte, qui comporte plus de fins que LE RETOUR DU ROI et sombre dans un grand-guignol pseuso-surréaliste assez épuisant. 2h05 pour en arriver là, c’est presque de l’ostentation priapique.

L’Apollonide, de Bertrand Bonello. Avec Hafsia Herzi, Céline Sallette, Jasmine Trinca. 2h05. Sortie le 21 septembre.

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