Cannes 2011 : WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN / Critique

12-05-2011 - 12:00 - Par

De Lynne Ramsay. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis : La mère d’un adolescent, responsable d’une fusillade dans son lycée, tente de gérer son deuil – et sa culpabilité envers les méfaits de son fils – en écrivant à son mari duquel elle s’est éloignée.

Habituée du festival (elle y a présenté RATCATCHER en 1999 à Un Certain Regard, notamment), Lynne Ramsay est cette année sur la Croisette en compétition, avec WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN, entourée d’une star du cinéma indé (Tilda Swinton) et une vedette de la comédie qui a, ô combien, lui aussi brillé dans l’indépendant (John C. Reilly). Autant vous dire que, grâce à eux et à la très bonne réputation de la réalisatrice écossaise, le film était l’une des plus belles promesses du festival.

Les deux incarnent les parents de Kevin, enfant particulièrement enjoué avec son père et diabolique dès lors qu’il est en compagnie de sa mère. C’est que môman, écrivaine, n’a pas été du genre extatique pendant la grossesse, ni même l’exemple de l’être aimant. Un mauvais départ qui ne présagera plus jamais rien de bon entre la mère et l’enfant. C’est qu’on le comprend très vite, Kevin est allé trop loin dans la cruauté. On pensait qu’il cantonnerait sa méchanceté à sa génitrice mais comme cette relation complexe et perverse ne lui suffisait plus, il a voulu faire régner un tel chaos et faire quelque chose de si grave que sa mère aujourd’hui doit vivre recluse, parfois agressée par d’autres mères de famille. D’aucun dirait que Kevin a été très mal élevé. D’aucun dirait aussi que WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN est un peu moralisateur voire culpabilisateur, sur les conséquences du manque d’instinct maternel. Est-ce qu’Eva a semé les graines de la colère de son rejeton ? A-t-elle senti très tôt qu’elle avait enfanté du Malin ? Est-elle responsable ? Fallait-il qu’elle réfléchisse à deux fois avant de faire un enfant alors qu’elle ne se sentait pas prête ? Fait-elle payer à son fils ses nombreux sacrifices ? Probablement. Et les mères en devenir en feront probablement des cauchemars tant ces destins tragiques sont d’un réalisme total.

La force du film, est donc là. Dans cette ambiance latente de terreur, installée par des relations perfides entre une mère, égoïste, froide et surtout paumée, et un fils qui lui fera payer jusqu’au paroxysme de l’horreur son manque d’amour. Le récit (en deux temps : avant l’horreur et après l’horreur) ne se déroule pas sans symbolisme lourd (maman mange des œufs et se lave en pleine rue dans un bain de tomates écrasées), mais il est porté par la rigueur des comédiens – notamment Swinton et Ezra Miller et leur double-jeu épatant -, et une esthétique précise et ultra-travaillée. Et lorsqu’arrive la fin, faite d’un bref dialogue qui conclut au gâchis général, on est déjà et pour longtemps imprégné d’un malaise total.

We need to talk about Kevin, de Lynne Ramsay. Avec Tilda Swinton, John C. Reilly, Ezra Miller. 1h50. Prochainement

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