Séance de rattrapage : chronique de SENNA

01-06-2011 - 12:18 - Par

Un formidable documentaire sur le célèbre pilote de F1 est sorti la semaine dernière en salles. Il n’est pas encore trop tard pour le découvrir.

1984. Ayrton Senna a 24 ans quand il rejoint l’écurie Toleman et le monde de la F1. Très rapidement, il affirme de la plus belle des manières son génie, sa fougue et sa rage de vaincre. Dix ans plus tard, trois titres de Champion du monde en poche, il s’éteint devant les caméras du monde entier lors d’un accident tragique sur le circuit d’Imola. Entre-temps, il était devenu une star mondiale, une icône pour toute la population brésilienne, et avait entretenu une relation tumultueuse avec le président de la fédération de F1 Jean-Marie Balestre, mais aussi avec son rival principal, Alain Prost.

« Sans peur. Sans limite. Sans égal » clame le slogan de SENNA, documentaire signé Asif Kapadia, au producteur exécutif prestigieux, Kevin Macdonald (LA MORT SUSPENDUE, L’AIGLE DE LA NEUVIÈME LÉGION). Une tagline qui résume de façon tonitruante l’image que l’on a pu avoir de Ayrton Senna, qui se voit toutefois nuancée par le film. Sans peur, Senna le fut, avant de comprendre sur le tard qu’il n’était pas immortel. Sans limite, il l’était aussi, mais moins parce qu’il était une tête brûlée qu’un génie cherchant à faire ses preuves et un compétiteur forcené. Sans égal, Senna l’était également par cette force d’esprit qui le dirigeait, mais il fit sa carrière face à un autre pilote de légende : Alain Prost, dit « Le Professeur ».

Ayrton Senna/Alain Prost, ou les Lennon/McCartney de la F1. Un couple indissociable, l’un loué pour sa fougue et adoré des foules, l’autre plus sérieux et à la personnalité apparemment plus terne, moins apprécié du grand public. Pourtant, tout comme pour Lennon et McCartney, l’impression reste tenace que l’un sans l’autre, ni Senna ni Prost n’auraient atteint ce niveau de talent qui fut le leur quand ils s’affrontaient. Un sentiment renforcé par SENNA. Si le film s’intéresse principalement au Brésilien, son duel de dix ans avec le Français reste le squelette de la narration, donnant à la chose un véritable nœud dramatique, émouvant et euphorisant. Un vrai sujet de cinéma, une bataille quasi-fratricide. Prost sort égratigné du film, lui qui maîtrisait si bien les arcanes politiques de la F1 et jouait de son amitié avec Balestre. Senna sort du film davantage compris, lui qui en France avait parfois l’image d’un arrogant mettant en danger les autres pilotes sur la piste. Enfin peut-on réellement comprendre cet homme complexe, extrêmement humble, et habité d’une vraie fureur de vivre.

Totalement happés par le récit de SENNA, entièrement constitué d’images d’archives passionnantes (interviews de Senna, coulisses de la F1, vidéos familiales, caméras embarqués dans les voitures…), et d’entretiens pertinents en voix off avec les acteurs de sa vie (famille, journalistes sportifs, acteurs de la F1…), on finit la projection tourneboulé, chamboulé par l’émotion. Un tour de force, surtout que même ceux ne goûtant pas particulièrement le sport automobile (c’est le cas de l’auteur de ces lignes), n’échapperont à la force de SENNA, autant chronique d’une réussite iconique, que d’un gâchis humain déchirant. Voir Ayrton Senna perdre la vie, 17 ans après, reste toujours un crève-cœur terrible. Tout juste regrette-t-on que Asif Kapadia ait choisi de ne pas montrer ces images bouleversantes de Senna, dans son cockpit, durant les essais d’Imola, s’adresser à Alain Prost devenu commentateur pour TF1 : « Un bonjour particulier pour mon cher ami Alain. Tu me manques… » avait-il lancé. Les deux hommes soldaient là leur passé tumultueux, en une réconciliation de dernière minute quasi prophétique…

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