MELANCHOLIA : chronique

10-08-2011 - 11:00 - Par

La fin du monde sans Bruce Willis (mais avec Jack Bauer) et sans scènes de dévastation, si ce n’est intérieure. Youpi, Lars von Trier signe l’un de ses plus beaux films.

Capable du meilleur (BREAKING THE WAVES) comme du pire (DANCER IN THE DARK), friand d’expérimentations, qu’elles soient lo-fi (LES IDIOTS) ou sophistiquées (DOGVILLE), Lars von Trier est de ces terroristes cinématographiques indispensables. Car sa misanthropie donne à chacun de ses films ce qui manque à bien d’autres : une intention. Après avoir craché à la gueule de sa dépression dans ANTICHRIST, l’un de ses films les plus jusqu’au-boutistes mais aussi les plus marquants, Von Trier met brillamment à contribution ses errances psychanalytiques pour sonder l’âme humaine à l’heure de l’Apocalypse. Scindé en deux parties, MELANCHOLIA s’intéresse dans la première à Justine (Kirsten Dunst), jeune neurasthénique qui dynamite sa cérémonie de mariage parce que plus rien ne l’émeut, puis dans la seconde à Claire (Charlotte Gainsbourg), sa sœur qui continue d’espérer des lendemains qui chantent alors que la planète Melancholia s’approche de la Terre et menace de l’anéantir. En fait de menace, le spectateur sait qu’il s’agit d’une fatalité, car MELANCHOLIA s’ouvre par les sept minutes de cinéma les plus prodigieuses que l’on ait vues depuis belle lurette : des tableaux suivant au ralenti les personnages alors que le monde meurt. Sur du Wagner, s’il vous plaît. Passé ce prélude ahurissant, qui assoit Lars von Trier comme l’un des derniers grands esthètes  – avec tout ce que cela implique de grandiloquence –, le Danois livre un récit plus posé. Pas d’excision en gros plan, pas de prise en otage émotionnelle, mais un humour cruel digne d’un grand satiriste et, surtout, une immense poésie du désespoir. Il y a quelque chose de profondément bouleversant à regarder sur grand écran l’Apocalypse selon le seul point de vue de deux sœurs, dont l’une affirme que « l’être humain ne manquera à personne », quand l’autre ne peut lâcher prise. Mais plutôt que d’opposer ces deux regards, Lars von Trier fait de MELANCHOLIA le récit de la réconciliation de ces deux femmes qui, enfin, peuvent s’aimer sans conséquence, sans justification, uniquement parce que la fin est proche. Il s’en dégage une beauté languide mais pas moins radicale, de laquelle émergent les performances fascinantes de Kirsten Dunst et Charlotte Gainsbourg. Leurs deux visages comme dernière image de l’humanité ? Pas mieux.

De Lars von Trier. Avec Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland. Sortie le 10 août.

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