LES AVENTURES DE TINTIN – LE SECRET DE LA LICORNE : chronique

26-10-2011 - 11:09 - Par

Steven Spielberg apparaissait comme le cinéaste rêvé pour faire honneur à l’œuvre d’Hergé. Confirmation tonitruante du Maître qui fait encore mieux : il s’approprie Tintin avec bonheur et brio. Du pur cinéma.

Lorsque le célèbre reporter Tintin achète sur un marché aux puces la maquette d’un navire du 17ème siècle nommé La Licorne, il embarque avec son fidèle Milou dans une nouvelle enquête et une aventure qui va le mener au bout du monde. Sur son chemin, il va croiser Archibald Haddock, dont le passé se révèle au centre de l’énigme de la Licorne… Pas la peine d’en dire plus sur le pitch du SECRET DE LA LICORNE, car la plupart des Français ont lu les albums d’Hergé dont le film s’inspire : « Le Secret de la Licorne », « Le Trésor de Rackham le Rouge » et « Le Crâbe aux pinces d’or ». Ne pas croire pourtant que Steven Spielberg et ses scénaristes (Steven Moffat, Edgar Wright et Joe Cornish) adaptent ici bêtement les BD sans ciller, en une sorte d’hommage scolaire et guindé. Non. LE SECRET DE LA LICORNE prend des détours avec les albums, transforme tel ou tel arc narratif, en complète certains, en simplifie d’autres. Transforme tel ou tel personnage avec malice, pour le bien de l’aventure. On pourra aussi noter que Spielberg solde dès les premières minutes du film la révérence à Hergé avec un sublime générique de début (ne surtout pas manquer le début de la séance, donc), et un clin d’œil aussi délicat que drôle au créateur du célèbre reporter dans la toute première scène.

Puis, le réalisateur prend les rênes au bout de quelques secondes. En un véritable travail d’adaptation, il va réussir à la fois à respecter la lettre et l’esprit des BD via un portage ultra fidèle, qu’à apposer sa personnalité au film grâce à son talent de conteur, ses figures de style récurrentes (plan dans un rétroviseur, lens flare…), ou clins d’oeil délicieux (voire franchement fendards) à ses films passés. Les tintinophiles hardcore pourront compter avec délice les dizaines de références aux divers albums d’Hergé, goûteront la façon dont le script rend vivant l’humour slapstick de la BD (donnant au film des atours 60’s qui rappelleront LA PANTHÈRE ROSE), et surtout verront les personnages prendre vie comme on l’a souvent espéré dans nos rêves les plus fous. Grâce aux performances habitées de Jamie Bell et Andy Serkis, Tintin et Haddock existent enfin sous nos yeux. Les deux acteurs regorgent d’idées de jeu pour donner corps à leur ersatz de pixels : on pense aux sourires frondeurs du reporter ou à l’accent écossais du marin alcoolique (sans doute l’idée de l’année). Leur relation s’y avère solide et émouvante, notamment dans la façon dont Tintin a de hisser Haddock vers le haut. Dès lors, on en oublie presque nos années passées à feuilleter leurs aventures de papier, pour les voir se mouvoir avec un réalisme et une grâce ahurissantes, prouvant que la performance capture peut définitivement être source de vie quand elle est utilisée par un grand cinéaste. Spielberg trouve l’équilibre idéal entre le photoréalisme et la caricature du dessin, offrant à ses héros des regards définitivement humains et troublants, mais des looks forcément outranciers. C’est donc ici l’esprit des BD qui se voit respectée.

La lettre également, puisque Spielberg parvient à rendre crédible cinématographiquement la façon même dont Hergé contait ses histoires : Tintin soliloque quand il réfléchit, sans que cela soit figé ; Tintin s’adresse à Milou, sans que jamais cela ne soit incongru. C’est que LE SECRET DE LA LICORNE a tout d’un épisode d’INDIANA JONES. Un juste retour des choses puisque beaucoup avaient vu dans l’aventurier au chapeau une version américaine du héros de Hergé. Mieux, ce TINTIN est tout ce que INDIANA JONES 4 aurait dû être, sans y parvenir. La différence étant qu’ici, Spielberg déborde d’envie, tel un gamin. Comme chez Hergé, et comme dans les trois premiers INDY, jamais le récit ne se repose. Un indice mène à un autre, et l’histoire s’emballe perpétuellement. On pourrait même dire que cette immense qualité, qui fait du film un redoutable film d’aventures, pourra apparaître comme sa faiblesse pour certains : le temps passe trop vite, on aimerait en profiter, observer. Mais pas le temps ! Tintin repart sur les chapeaux de roue. Un souffle épique porté à merveille par la réalisation ultra fluide de Spielberg, qui une fois de plus, prouve qu’il est un esthète assuré, et un cinéaste de génie. Chaque séquence regorge de détails, d’idées de mise en scène, de montage, de transition, qui démontrent que la performance capture permet un tout nouveau langage cinématographique, impossible dans le cinéma « traditionnel ». Spielberg s’amuse avec les axes de caméra, ou les plans sur lesquels évoluent les personnages. La 3D, elle, bien que réussie, demeure presque un artifice, tant le film n’a jamais besoin d’elle pour arborer une profondeur et une densité visuelles folles. Bien sûr, ce TINTIN n’est pas exempt de tout défaut : on pourra ainsi reprocher une trop longue poursuite en sidecar (bien que ahurissante de maîtrise), qui lorgne vers le jeu vidéo, par exemple. Mais LE SECRET DE LA LICORNE déborde tant d’émotions fortes, d’un humour irrésistible, d’amour pour le cinéma, d’expérimentation (narrative et visuelle) et affiche une telle identité autant qu’un véritable respect pour Hergé, qu’il en devient tout simplement prodigieux. Si bien qu’il faudra sans doute de nombreuses visions pour parvenir à en épuiser toute la richesse. La preuve une fois de plus qu’en matière de divertissement haut de gamme et d’inventivité, Spielberg n’a définitivement pas de concurrent.

Note de la rédaction : 4,5

De Steven Spielberg. Avec Jamie Bell, Andy Serkis, Daniel Craig. Sortie le 26 octobre

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