L’EXERCICE DE L’ÉTAT : chronique

26-10-2011 - 11:07 - Par

La chronique complexe du mandat d’un ministre français des Transports. Purement fascinant.

Si le fort sentiment français qui se dégageait de PATER, chronique politique d’Alain Cavalier, ne l’a pas empêché  d’être en compétition au très international Festival de Cannes, on se demande encore pourquoi le comité de sélection s’est abstenu de donner la même chance à L’EXERCICE DE L’ÉTAT. Certes, le premier était fort drôle et fort en gueule, a fortiori très ouvert sur le monde et ludique. Mais le film de Pierre Schœller dégage, lui, une puissance incomparable. Une rigueur à l’américaine, mais une identité propre. On y suit Bertrand Saint-Jean, ministre des Transports d’un gouvernement fictionnel, défendant des idées (si ce ne sont des valeurs) que le pouvoir soutient ou écrabouille à l’envi. Un homme chargé de missions dévorantes, témoin de manœuvres intéressées, mais très lucide sur leur nécessité… D’un accident de car dans les Ardennes à la privatisation des gares, son cabinet le sert à coups de rapports et de « coaching positif » comme dirait l’auteur. « Je voulais mettre de côté la conquête du pouvoir et les questions de politique partisane, le bal des ego, les luttes intestines, les petites phrases… pour me concentrer sur la pratique du pouvoir, sur l’État, à travers ceux qui l’incarnent et s’y vouent. » Sans révéler les partis de gauche ou de droite en jeu (quoiqu’on suspecte), Schœller s’en tient à son point de vue ô combien captivant et nous mène autant dans les arcanes de l’ÉNArchie que sur le grand échiquier de la gouvernance, sans aucun cynisme, mais via le regard de la bête politique qu’incarne Olivier Gourmet. L’acteur belge, impressionnant comme toujours, campe un bonhomme animé par sa passion, dédié corps et âme à l’État et acceptant qu’il le broie au service d’une démocratie générant souvent l’incompréhension du peuple. Autour de lui, une ruche de professionnels serviles dont Zabou Breitman, Michel Blanc, Laurent Stocker, habités. Des prestations aux situations, tout est criant d’un réalisme trépidant. Mais si L’EXERCICE DE L’ÉTAT vous agrippe pour ne plus vous lâcher, c’est aussi grâce à sa mise en scène et sa photo sophistiquées conférant autant au film une ambiance feutrée et excitante qu’une atmosphère dure et viscérale. On sort fasciné, non par le pouvoir, mais par son fonctionnement. Et par le film, surtout.

De Pierre Schœller. Avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Laurent Stocker. Sortie le 26 octobre

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.