LE STRATEGE : chronique

16-11-2011 - 11:30 - Par

Oubliez tout ce que vous ne saviez pas sur le baseball, et tout ce que vous croyiez savoir sur le film sportif : LE STRATÈGE chamboule tout.

Ancien joueur de baseball raté, Billy Beane (Brad Pitt) est désormais manager des Oakland Athletics, équipe au budget trop faible pour concurrencer les grandes. Jusqu’à ce qu’il rencontre Peter Brand (Jonah Hill), jeune diplômé de Yale. Il explique à Beane que le recrutement des joueurs est depuis trop longtemps basé sur des facteurs fallacieux. Sur la foi de statistiques jusqu’alors ignorées, ils vont bâtir une équipe de supposés bras cassés, certains de pouvoir la faire gagner… Avec seulement quelques lignes de pitch, ce papier a déjà dû faire fuir la moitié de ses lecteurs. En raison d’un seul mot : baseball. Dommage, car LE STRATÈGE dépasse largement le cadre de ce sport mystérieux pour les Européens. À bien des égards, on pourrait comparer le film de Bennett Miller (TRUMAN CAPOTE) à THE SOCIAL NETWORK. Les deux films partagent plus qu’une major (Sony), un producteur (Scott Rudin) et un scénariste (le grandissime Aaron Sorkin, ici en duo avec Steven Zaillian). Ils ont en commun cette facilité déconcertante à se saisir d’un sujet obtus, et à le rendre hautement cinématogra-phique grâce à un parti-pris simplissime : faire du contexte un prétexte. Tout comme on pouvait ne rien entraver aux termes technico-nerd de THE SOCIAL NETWORK, ou se foutre de Facebook, et être totalement emporté par la tragédie qui déchirait Zuckerberg et Saverin, on pourra s’enthousiasmer pour le destin (réel) de Billy Beane, bonhomme têtu, fort en gueule, qui a raté sa vie et n’a qu’une idée en tête : révolutionner son sport, et lui donner du sens. Voire trouver un sens à son existence. Bien sûr, le vocabulaire de certains dialogues apparaîtra cryptique. D’autant que, Sorkin au script oblige, LE STRATÈGE va vite. Très vite. Mais ces flous momentanés n’entravent jamais la compréhension des enjeux et la sincérité émotionnelle de l’histoire, qui se révèle maline, drolatique et bouleversante. Avec cette chronique mélancolique de l’échec et de la ténacité qu’il engendre, Bennett Miller défie avec brio tous les codes du film sportif, et offre à Brad Pitt et Jonah Hill une partition imparable, dont ils tirent des performances extrêmement attachantes. La preuve, s’il en fallait encore une, que le cinéma est un langage universel, capable de nous rendre intelligibles les univers les plus abscons.

De Bennett Miller. Avec Brad Pitt, Jonah Hill, Philip Seymour Hoffman. Sortie le 16 novembre

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