SHAME : chronique

07-12-2011 - 11:51 - Par

Après le coup de poing HUNGER, Steve McQueen (aucun lien) se lance dans le coup de trique avec SHAME, psycho analyse éthérée d’un sexoholique.

Avec sa belle gueule, ses costumes griffés, et sa vie de golden boy, Brandon (Michael Fassbender) n’a pas de mal à séduire la gent féminine. Sauf qu’il est insatiable, plus adepte de l’éjac’ facile que du tantrisme. Une obsession pour la fesse sous forme d’excuse pour ne pas régler ses névroses, et notamment la trouble relation qui l’unit à sa sœur, Sissy (Carey Mulligan). Dans l’impressionnant HUNGER, Steve McQueen filmait la grève de la faim de l’activiste irlandais Bobby Sands, dont le corps amaigri et mourant se posait en dernier obstacle à sa cause. De cette thématique – la lutte entre la chair et l’épanouissement –, le cinéaste anglais tire un nouveau film, SHAME, mais au contexte moins engagé. Celui de l’addition au sexe. Un cinéaste peu prudent en aurait fait un sexy-thriller un peu voyeur. McQueen ne se prive pas de filmer des corps dénudés, qu’il s’agisse de ceux de Michael Fassbender, Carey Mulligan ou d’illustres inconnues. Mais ce ne sont pas de bas instincts concupiscents qu’il cherche à susciter, mais bien une certaine répulsion. Un regard qui ne passe pas par la mise en scène de délires déviants et cracra, mais par une dissection clinique, désespérée et quasi lyrique (sublime score de Harry Escott) de la mélancolie qui accompagne le sexe sans amour. Que Brandon prenne une inconnue dans une ruelle, qu’il fasse venir une prostituée chez lui, qu’il se masturbe à tout moment (au bureau ! dans la douche ! devant du porno !), qu’il dévisage avec insistance une femme dans le métro, son obsession apparaît clairement comme le besoin de se libérer d’un poids. L’éjaculation comme lâcher prise. Et comme palliatif. Ce point de vue jamais moralisateur, qui cache une profonde tristesse, fait de SHAME une chronique poisseuse et dérangeante sur l’incapacité d’un homme à (s’)aimer, et à entretenir un rapport normal avec les femmes, y compris lorsqu’il s’agit de sa sœur. Une relation d’une rare complexité, transcendée par l’intensité de Fassbender et Mulligan. On regrettera juste les sous-entendus de la fin qui, en essayant d’expliquer l’obsession de Brandon, amoindrissent légèrement son universalité. Car finalement, remplacez le sexe par n’importe quelle névrose, et vous avez en SHAME le parcours psychologique de quiconque s’est un jour demandé : « Comment faire pour être heureux ? »

De Steve McQueen. Avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale. Sortie le 7 décembre

 

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