CHRONICLE : chronique

20-02-2012 - 12:08 - Par

Un film de super-héros ambitieux et en mode found footage, dont le concept même, après avoir été sa force initiale, finit par être son handicap principal.

Andrew (Dane DeHaan), geek du lycée dont la vie est rythmée par les traitements de sa mère cancéreuse et les colères de son père, décide de filmer son quotidien. Un soir, lors d’une rave à laquelle il accompagne son cousin Matt (Alex Russell), il découvre avec lui et avec Steve (Michael B. Jordan), dans un terrain vague, l’entrée d’un mystérieux sous-sol. Là, le trio met la main sur un étrange et géant artefact. Quelques jours plus tard, les trois adolescents se découvrent des super-pouvoirs… Ecrit par le fils de John Landis, Max, et réalisé par le débutant Josh Trank, CHRONICLE fait partie de ces projets surgis de nulle part, dont le seul pitch suffit à attirer l’attention. Après tout, rares sont les films se donnant pour but de réexplorer le mythe du super-héros en dehors des sempiternelles adaptations de comics Marvel et DC. Certes, quelques opus (de KICK-ASS à SUPER) sont passés par là auparavant, mais CHRONICLE ne joue définitivement pas dans la même catégorie, Landis et Trank refusant totalement la gaudriole ou l’ironie comme mode de déconstruction.

Non, ici, le nouveau prisme est celui du found footage movie, qui a fait les beaux jours des films d’horreurs et fantastiques. Un genre en soit depuis BLAIR WITCH, et qui a connu certaines rares réussites (CLOVERFIELD), mais dont l’écueil reste toujours le même : la justification du « filmons toute notre vie, même quand ça a l’air absurde ». Ici, Josh Trank parvient à dépasser cet obstacle pendant une grande partie du film. Mieux, une fois que l’on a accepté la volonté d’Andrew de documenter sa vie (un moyen pour lui de se protéger de la violence de son père et des autres lycéens), le found footage libère totalement la mise en scène de Trank. Malin comme un singe, le jeune réalisateur se sert avec élan de ce gimmick pour observer ses trois héros avec une touche aussi documentariste que fantasmatique. Et ce grâce à une idée simple : grâce à leurs pouvoirs, Andrew, Steve et Matt commandent la caméra par la pensée, empêchant celle-ci de devenir un accessoire qu’ils traîneraient comme un boulet, et lui donnant une flexibilité rare. Par ce biais, CHRONICLE s’affranchit des limitations du genre dans lequel il évolue, et le récit s’envole. On suit ainsi fascinés les aventures du trio d’adolescents, et leur façon tout personnelle de réagir à leurs pouvoirs. C’est ici tout un pan de la pop culture qui prend alors forme dans une réalité ultra tangible, avec le bon samaritain (Matt), l’indécis (Steve), et le borderline (Andrew).

Malheureusement, CHRONICLE finit par trébucher. Alors qu’Andrew sombre peu à peu du côté obscur de la force, le film se fait plus ample, plus sombre, et Trank, qui aimerait élargir son cadre, affranchir son récit du regard à la première personne, n’y parvient pas. Les soucis traditionnels inhérents au found footage movie se font jour, et le scénario se sent obligé de justifier quasiment à chaque scène pourquoi la caméra tourne. Même quand il devient tout bonnement ridicule – voire inutile – que ce soit le cas. On se prend alors à tiquer, et à être tiré hors du film par ces contingences dont nous ne devrions avoir cure. Un problème d’autant plus dommageable qu’il survient alors que CHRONICLE prend des atours d’AKIRA live action, portés par des acteurs remarquables (notre chouchou Dane DeHaan en tête), des SFX irréprochables et des moments de bravoure épiques. Si bien que l’on finit la séance sur un désagréable sentiment d’inachevé, et l’on se prend à regretter que CHRONICLE ait été un found footage movie. Filmé à la troisième personne comme un long-métrage classique, mais avec la même économie de moyens, la même malice, et le même talent narratif, CHRONICLE aurait pu s’affirmer comme le film de super-héros quasi-ultime, donnant une sacré fessée à ses homologues blockbusters.

De Josh Trank. Avec Dane DeHaan, Alex Russell, Michael B. Jordan. Etats-Unis. 1h24. Sortie le 22 février

Note de la rédaction : 3

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