CHEVAL DE GUERRE : chronique

22-02-2012 - 12:53 - Par

Empreint de classicisme, de candeur et d’émotion, un grand film spielbergien sur le lien humain et la fraternité. Un grand film tout court.

Albert, jeune paysan anglais, assiste émerveillé à la naissance d’un poulain, Joey. Pendant des semaines, il va tenter de l’approcher, en vain. Jusqu’à ce que le cheval devienne sien. Il y a, dans les premières minutes de CHEVAL DE GUERRE, de fortes réminiscences de la rencontre entre Elliott et E.T. Mais aussi pas mal d’autres balises du cinéma de Steven Spielberg : la relation complexe au père ou la sublimation du lien qui unit les hommes dans l’adversité. Et parce que CHEVAL DE GUERRE suit comment Joey va devoir partir au front en 1914 pendant qu’Albert cherche à le retrouver, il renvoie à deux thèmes spielbergiens : l’ordinaire face à l’extraordinaire, et la quête effrénée pour reprendre le contrôle de sa vie. Le cinéaste renoue ainsi également avec un de ses meilleurs opus, L’EMPIRE DU SOLEIL, en opposant le regard d’un enfant à l’horreur de la guerre, sans jamais perdre de vue le merveilleux, l’espoir et la candeur. CHEVAL DE GUERRE dépasse pourtant l’autocitation et s’affirme comme une grande œuvre classique digne de celles des années 30 à 50. Rappelant Frank Capra, David Lean ou John Ford, le film sonne presque comme un anachronisme. Le voir arriver après TINTIN dans la filmo du réalisateur apparaîtrait même comme un « statement » tonitruant : le futur ne peut se bâtir qu’en connaissance du passé. S’adressant ici autant aux enfants qu’aux seniors, Spielberg ne ratisse pas large, il universalise. Débarrassé de la noirceur qui hantait certains de ses chefs-d’œuvre des vingt dernières années, il revient à un cinéma où jamais la beauté et la magie ne s’excusent de poindre. CHEVAL DE GUERRE refuse tout cynisme, et préfère convoquer nostalgie et optimisme. Pourtant, Spielberg ne se complaît en aucun cas dans le passéisme paresseux ou la candeur béate, et livre une leçon de mise en scène où l’audace habite chaque séquence. Il faut voir comment le cinéaste shoote l’exécution de deux déserteurs allemands, une charge de cavalerie meurtrière ou la course effrénée de Joey dans les barbelés du no man’s land, pour saisir la maîtrise de ce film qui ne se dérobe devant aucune de ses responsabilités narratives. Même pas devant le portrait objectif de l’humain, qu’il soit anglais, allemand ou français. La subtilité qui anime chacun des personnages (on oubliera les accents forcés, seul défaut du long-métrage), l’humour qui sous-tend l’espoir, les atours dickensiens du rapport de classes, la splendeur de la photo et du score ou l’émotion dégagée par les animaux, font de CHEVAL DE GUERRE – à l’instar d’HUGO CABRET – un spectacle digne d’un âge d’or malheureusement oublié. Sorte de remède à la dépression ambiante actuelle, voilà un grand film riche, lumineux et bouleversant sur la grâce de l’être humain qui, parce que hors d’époque, traversera forcément le temps.

De Steven Spielberg. Avec Jeremy Irvine, Peter Mullan, Benedict Cumberbatch, Tom Hiddleston, Niels Arestrup. 2h27. Sortie le 22 février

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