Cannes 2012 : DANS LA BRUME / Critique

25-05-2012 - 14:00 - Par

De Sergei Loznitsa. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : À la frontière occidentale de l’URSS, en 1942, dans une région occupée par l’Allemagne nazie. Deux partisans communistes et résistants reçoivent l’ordre d’exécuter un homme suspecté de collaboration. Ce dernier, qui se clame innocent, cherche par tous les moyens à laver son honneur. Face à face avec ses ennemis dans la profondeur d’une forêt, où la frontière entre trahison et héroïsme disparaît, il va devoir faire un choix moral sous des circonstances immorales.

Il y a deux ans, lorsque Sergei Loznitsa présentait son envoûtant MY JOY – pour sa première fois en compétition –, on espérait que le réalisateur biélorusse devienne un coutumier du fait. Il revient donc à Cannes avec DANS LA BRUME, plongée dans la Seconde guerre mondiale, où un homme est accusé par d’anciens camarades partisans de collaborer avec les nazis, en URSS. C’est que quelques temps auparavant, il a été épargné d’une pendaison certaine par un officier allemand. Comme le pressentait ce dernier, malfaisant, Sushenya est donc capturé par les siens, emmené en forêt où il doit être exécuté. Mais les événements étant imprévisibles en temps de guerre, Sushenya et ses deux bourreaux vont faire front face aux nazis qui les traquent. DANS LA BRUME est donc l’histoire d’un homme qui préfèrerait mourir sous les tirs de l’ennemi plutôt que lynché par son camp et dont le seul tort a été de survivre quand bien d’autres n’y parviennent pas. Pire que ça, il semble être condamné à réchapper à la mort, ce qui lui vaut d’être perpétuellement coupable. Aux yeux de tous. Si ce n’est fataliste, DANS LA BRUME est kafkaïen et ploie sous le poids du drame et de l’injustice. Non moins boueux et déprimé que son prédécesseur, le nouveau film de Loznitsa est aussi bien plus lisible, déroulant – tout en longs plans oppressants et en flashbacks édifiants et impromptus – un histoire en ligne claire, sans équivoque. En plus d’une critique acerbe et colérique de la nature humaine, le cœur de son cinéma réside dans une mise en scène d’orfèvre, des plans composés avec brio, une image riche et paradoxalement, un rythme lent, lancinant, qui donne le temps aux questionnements, à l’observation des visages circonspects. Étrangement, il est question pour le réalisateur de tester notre attention, mais de la récompenser toujours par de grands moments de cinéma, d’une subtilité psychologique précieuse. Si esthétiquement, DANS LA BRUME confine au sublime, sa fin toute aussi magnifique, nous hante longtemps après que les lumières se sont rallumées. On n’est pas loin du chef d’oeuvre.

De Sergei Loznitsa. Avec Vladimir Svirski, Vlad Abashin, Sergei Kolesov. Russie. 2h07

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