Cannes 2012 : BEYOND THE HILLS / Critique

19-05-2012 - 00:42 - Par


De Cristian Mungiu. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis : Alina, une jeune Roumaine d’une vingtaine d’années, tente de convaincre sa meilleure amie Voichita de quitter le couvent où elle vit. Mais le monastère est dirigé par un prêtre ultra rigoriste aux méthodes d’un autre âge. Alors qu’Alina se rebelle, le couvent la diagnostique folle, et se lance dans un exorcisme censé la libérer du Malin.

Disons-le tout net : Cristian Mungiu, réalisateur palmé pour QUATRE MOIS, TROIS SEMAINES, DEUX JOURS est, dès son deuxième long-métrage, déjà aussi mûr esthétiquement qu’un cinéaste expérimenté. Formellement, il s’affirme de nouveau avec BEYOND THE HILLS comme un auteur aux parti-pris forts et passionnants. Car il faut en avoir de l’assurance pour choisir d’ennuyer pour mieux envoûter, de refuser toute effusion pour mieux faire grimper la tension. Pour nous conter l’histoire de deux amies d’enfance, Alina et Voichita – dont la relation frôle le saphisme refoulé ; on regrettera d’ailleurs légèrement le portrait fait ici des femmes, soit soumises, soit hystériques – s’opposant sur leurs vies au sein d’un couvent mené par un prêtre orthodoxe rigoriste, Mungiu pose tout d’abord sa caméra lors de longs plans séquence fixes, dont la composition de cadre frise la perfection. Cet arsenal languide, Mungiu le tient d’une main de fer pendant plus de 105 minutes. Puis, à mesure qu’Alina la rebelle remet en question l’autorité du prêtre de façon toujours plus véhémente, et que commence le pseudo exorcisme exercé sur elle, la caméra se fait plus mobile, les cadrages plus chaotiques. Certes, la mécanique n’est pas des plus fondamentales. Elle pourrait même s’avérer des plus basiques, d’un pur point de vue intellectuel. Mais Mungiu l’exécute à merveille, sans frime ni ostentation, si bien que le spectateur se voit emporté dans un tourbillon filmique servant à merveille l’ambiance et le propos du cinéaste. Car le réalisateur roumain rentre ici dans le lard du dogme, dissèque la manière dont la religion peut soustraire tout libre arbitre, étudie la frontière délicate entre péché et pensée personnelle, livre une ode vibrante à l’anticonformisme et à la rébellion contre l’establishment. Seulement voilà : il y a un mais. Car à force de vouloir asséner son message, Mungiu bascule dans le littéral le plus bas de gamme et la facilité la plus irritante. Après 2h20 de métrage tenues de main de maître – que l’on y ait goûté ou pas –, il sombre dans le dialogue de comptoir, via un personnage de médecin irascible et furieusement anticlérical. « Oubliez de prier pour moi : je préfère brûler en enfer », lance-t-elle. Une diatribe lancée à la cantonade, qui clôt le film sur une désagréable sensation de gâchis total, et de démonstration au didactisme crasse. Une fin en forme de « tout ça pour ça ? » qui ne peut que nous pousser à remettre en question la démarche de BEYOND THE HILLS, et qui amoindrit autant sa pertinence que ses parti-pris. Aussi formellement puissants soient-ils.

De Cristian Mungiu. Avec Cristina Flutur, Catalina Harabagiu, Cosmina Stratan. Roumanie. 2h35. Prochainement

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