Cannes 2012 : THE PAPERBOY / Critique

24-05-2012 - 11:33 - Par

De Lee Daniels. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis : 1969, Lately, Floride. Ward Jansen, reporter au Miami Times, revient dans sa ville natale, accompagné de son partenaire d’écriture Yardley Acheman. Venus à la demande Charlotte, femme énigmatique qui entretient une correspondance avec des détenus dans le couloir de la mort, ils vont enquêter sur le cas Hillary Van Wetter, un chasseur d’alligators qui risque d’être exécuté sans preuves concluantes. Persuadés de tenir l’article qui relancera leur carrière, ils sillonnent la région, conduits par Jack Jansen, le jeune frère de Ward, livreur du journal local à ses heures perdues.
Fasciné par la troublante Charlotte, Jack les emmène de la prison de Moat County jusqu’aux marais, où les secrets se font de plus en plus lourds.
L’enquête avance au cœur de cette Floride moite et écrasante, et révèle que parfois, la poursuite de la vérité peut être source de bien des maux…

Imaginez un film dans lequel Zac Efron, le regard lubrique, se trimballe en slip blanc, filmé avec une esthétique de porno soft. Racoleur d’un côté, mais diablement cinématographique de l’autre. Lee Daniels a eu à cœur de faire de l’adaptation de « The Paperboy » de Pete Dexter, un objet racé de cinéma, propulsé dans les années 60 et les Everglades des péquenauds. Ces choix esthétiques sont parfois assumés pour le pire, au risque que THE PAPERBOY soit « déguisé » en long-métrage des années 60. C’est du moins l’impression qui s’en dégage, le temps de s’accoutumer à la photo agressive du film. Au fil de scènes provocatrices (violence, sexe), ce petit objet sexy plonge lentement dans une ambiance noire, malsaine, presque vulgaire, qu’on subit en suffoquant, à l’instar de notre héros Jack, « le livreur de journaux » (Z. Efron), témoin d’une enquête journalistique qui part en sucette. Mais si THE PAPERBOY feint une intrigue policière (l’un des coeurs du roman initial mais le prétexte du film), c’est pour mieux tirer le portrait à ce jeune homme, évoluant sans figure maternelle forte, qui voit sa vie plonger dans la folie avec le retour de son frère, Ward, au pays. Ce dernier, rédacteur au sein du Miami Times et accompagné d’un collègue arriviste et méprisant, vient mettre à mal les éléments d’une enquête qui a condamné Hillary Van Wetter (John Cusack) à la chaise électrique. Le temps de l’élaboration de l’article, Jack va devoir être le père, l’ami, le frère, le garde du corps, le chauffeur, la nurse de types plus expérimentés et plus respectés que lui. Et ainsi éclore en homme, aimer, perdre et survivre. Et Zac Efron, du haut de sa frêle expérience d’égérie Disney, révèle un talent hors norme à incarner et habiter son personnage, en plus d’asseoir solidement un sex appeal imparable. La révélation du film, définitivement.
Dans un travail d’adaptation difficile, Lee Daniels est parvenu à extraire le meilleur de l’univers très cinématographique du livre de Pete Dexter et a rendu cinématographique tout ce qui ne l’était pas (notamment le dénouement, radicalement différent). Malheureusement, passent à la trappe des éléments essentiels du récit qui aurait pu donner davantage de substance à un scénario déséquilibré et elliptique, donnant peu de prise sur le déroulement intrinsèque de l’histoire. Il a privilégié d’ailleurs l’exploration d’une ambiance raciste et ségrégationniste de la Floride des 60’s, frétillante dans le roman mais jamais clairement explicitée, pour faire aussi de ce thriller une photographie sociologique – un peu poussive. Frôlant parfois le putassier (c’est un reproche que beaucoup ont fait à PRECIOUS, son précédent long), il assume tous ses choix, extrêmes et complaisants pour certains, d’une grande grâce pour d’autres. On ne crie pas au chef d’œuvre (loin s’en faut, hein) malgré d’évidentes qualités, mais pour sûr est-on encore submergé de sensations contradictoires, de sentiments paradoxaux, et d’une grande affection à l’encontre de ce film bancal mais incomparable.

De Lee Daniels. Avec Matthew McConaughey, Zac Efron, Nicole Kidman. USA. 1h41. Prochainement

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