Cannes 2012 : MUD / Critique

26-05-2012 - 11:40 - Par

De Jeff Nichols. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis : Ellis et Neckbone, 14 ans, découvrent lors d’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississipi. C’est Mud : une dent en moins, un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyance à laquelle Ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions quotidiennes entre ses parents. Très vite, Mud met les 2 adolescents à contribution pour réparer un bateau qui lui permettra de quitter l’île. Difficile cependant pour les garçons de déceler le vrai du faux dans les paroles de Mud. A-t-il vraiment tué un homme, est-il poursuivi par la justice, par des chasseurs de primes ? Et qui est donc cette fille mystérieuse qui vient de débarquer dans leur petite ville de l’Arkansas ?

La compétition se termine avec la Palme d’Or. Enfin, il ne nous reste plus qu’à croiser les doigts, du moins. À nos yeux, Jeff Nichols vient d’écraser tous ses petits concurrents avec MUD, magnifique rencontre entre un enfant – dont les parents vont divorcer – et Mud, fugitif, qui attend de s’enfuir avec l’amour de sa vie, Juniper. Ensemble, ils vont explorer les limites de l’amour véritable et sa beauté. Ils vont avoir le cœur brisé et être là, l’un pour l’autre. Convoquant une somme folle de thèmes spielbergiens, MUD partage la même charge émotionnelle que E.T., si ce n’est certains de ses ressorts narratifs. Mais réduire le film à ça, c’est le déshonorer tant il parvient à être davantage qu’une somme d’inspirations. Il mêle un grand esprit d’aventure (on pense à Huckleberry Finn, à STAND BY ME), de camaraderie (Amblin plane et c’est d’ailleurs l’ambition de Nichols qui a revendiqué le côté GOONIES de MUD), un grand sentiment d’amour, et le portrait d’une Amérique rurale en pleine transformation. Sans asséner le message politico-social du film, Jeff Nichols parvient à disséminer un propos fort sur l’expropriation, sur la violation du droit de territoire, et sur l’incapacité des plus contemporaines à préserver la cellule familiale. Ce qui le situe dans la droite continuité de TAKE SHELTER. MUD a beau afficher encore plus d’ambition que son prédécesseur, il est pourtant d’une simplicité exemplaire quant à l’écriture, et l’image. En aucun cas, la dimension discrètement épique du cinéma de Nichols n’empêche MUD d’être d’une grande sophistication, d’une émouvante délicatesse dans ce qu’il dit des rapports humains, de la confiance bafouée et de la violence de la passion. Jeff Nichols s’impose, après SHOTGUN STORIES et TAKE SHELTER, comme l’un des meilleurs conteurs d’histoire, conjuguant ici des émotions bouleversantes au mythe – plus ludique mais non moins envoûtant – du hobbo. Le drame humain au thriller noir. Trempés dans un cinéma riche et personnel, galvanisés par la vision personnelle de l’auteur Nichols, Matthew McConaughey confirme la légitimité de son comeback, Reese Witherspoon trouve son meilleur rôle à ce jour et Tye Sheridan, jeune beauté brute déjà au générique de TREE OF LIFE, est l’espoir du cinéma de demain. Le temps d’une scène où il confronte son héros, Mud, dégueulant sa haine pour l’amour impossible, il a balayé toutes les autres grandes prestations de ce festival. Et même si c’est illusoire de le suggérer, MUD mérite tous les prix. Parce que c’est un film total.

De Jeff Nichols. Avec Matthew McConaughey, Reese Whiterspoon, Tye Sheridan. USA. 2h15. Prochainement

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