Cannes 2012 : VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU / Critique

21-05-2012 - 11:00 - Par

D’Alain Resnais. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis : Après sa mort, Antoine, homme de théâtre, fait convoquer chez lui tous ses amis comédiens ayant joués dans différentes versions de sa pièce Eurydice. Il a enregistré, avant de mourir, une déclaration dans laquelle il leur demande de visionner une captation des répétitions de cette pièce : une jeune troupe lui a en effet demandé l’autorisation de la monter et il a besoin de leur avis…

Après LES HERBES FOLLES, loufoquerie légèrement trop décalée et hermétique à notre goût, on attendait sans trop d’impatience ce qu’allait sortir de son chapeau Alain Resnais pour son nouveau long-métrage. L’effet de surprise n’a donc été que plus retentissant. Car à presque 90 ans, le cinéaste prouve qu’il en a encore sous le capot, en proposant avec VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU – un titre extrêmement approprié – un concept aussi étrange qu’intrigant. A sa mort, un metteur en scène de théâtre (Denis Podalydès), demande via une vidéo posthume à tous ses amis acteurs (Arditi, Wilson, Azéma, Piccoli…) de visionner les répétitions, enregistrées par une jeune troupe, de sa pièce « Eurydice » (due en fait à Jean Anouilh). Les comédiens, devant ces captations, se remettent à jouer la pièce eux-mêmes… VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU s’avère donc aussi expérimental par son mécanisme que traditionnel par sa théâtralité. Si bien qu’il en devient un objet hors du temps, impossible à dater, oscillant entre modernité fascinante et anachronisme parfois gênant. Mais jamais il ne pousse vers l’ennui, et jamais ne sombre dans la facilité ou la redondance. Car Resnais fait preuve d’une inventivité folle pour perpétuellement renouveler l’intérêt du spectateur. Ainsi, il use de fonds verts, de split screens et autres dispositifs pour permettre à la re-création de « Eurydice » de vivre littéralement à l’écran, en dépit de la raideur originel du processus. On déplorera quelques ratages techniques (sur quelques fonds verts notamment), mais la vivacité de la mise en scène, et le jeu habité de la distribution emballent l’attention du spectateur. Si bien que la jeune troupe de la Colombe, dont la prestation demeure prisonnière d’un écran, peine à se hisser à la hauteur des performances d’Arditi, Consigny, Wilson, Amalric et les autres, en pleine possession de leur moyen. L’intérêt ici est en plus, pour Resnais, d’explorer le champ des possibles du travail de comédien, puisque les rôles d’Orphée et Eurydice sont campés par deux couples différents (Wilson/Consigny et Arditi/Azéma), offrant des prestations différentes et nuancées. VOUS N’AVEZ RIEN VU se pose donc autant en spectacle vivant et filmique à la vigueur enthousiasmante, qu’un exercice de réflexion sur la mise en scène et le jeu. Si bien que l’on s’est souvent dit que VOUS N’AVEZ RIEN VU aurait mérité d’être tourné et projeté… en 3D. Un procédé que l’on ne goûte pas généralement, mais qui ici, aurait sans doute amplifié l’effet gigogne des fenêtres de récit ouvertes par Resnais – l’écran où sont projetées les répétitions, la salle où elles sont visionnées, les décors où les scènes sont rejouées etc. Et puis, Resnais n’était plus à une innovation près.

D’Alain Resnais. Avec Sabine Azéma, Pierre Arditi, Lambert Wilson. France. 1h55. Sortie le 26 septembre

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