Cannes 2012 : LAURENCE ANYWAYS / Critique

18-05-2012 - 16:15 - Par

De Xavier Dolan. Sélection officielle, Un Certain Regard.


Synopsis : Dans les années 1990, Laurence annonce à Fred, sa petite amie, qu’il veut devenir une femme. Envers et contre tous, et peut-être bien eux-mêmes, ils affrontent les préjugés de leur entourage, résistent à l’influence de leur famille, et bravent les phobies de la société qu’ils dérangent. Pendant dix ans, ils tentent de survivre à cette transition, et s’embarquent dans une aventure épique dont leur perte semble être la rançon.

En seulement deux films, J’AI TUÉ MA MÈRE (2009) et LES AMOURS IMAGINAIRES (2010), tous deux présentés à Cannes (le premier à la Quinzaine des Réalisateurs, le second à Un Certain Regard), le jeune québécois de 23 ans Xavier Dolan s’est imposé comme le héros d’un nouveau cinéma d’auteur, plaisant autant aux romantiques qu’aux hipsters. On avoue ne pas nécessairement goûter au cinéma du bonhomme – ou à ses sorties médiatiques légèrement pompeuses, mais ce n’est pas le débat –, pourtant avec LAURENCE ANYWAYS, il prouve qu’une partie de l’enthousiasme qu’il suscite depuis trois ans est loin d’être volé. En explorant sur dix ans le destin d’un couple dont l’homme (Melvil Poupaud) souhaite devenir une femme, Dolan aurait largement pu tomber dans le pathos, voire l’angélisme intello qui s’ignore, mais il signe au contraire une chronique fleuve plutôt prenante qui, en dépit de sa longueur (2h40 !), n’ennuie jamais. Il faut dire que le cinéaste offre ici de sacrés miams aux amoureux du cinéma visuel. Qu’il choisisse un format comme le 1.33 – qui enserre les personnages dans un cadre intimiste – ou qu’il use de toute sa créativité (ralentis, scènes musicales, photographie soignée, production design léché…), Dolan offre à LAURENCE ANYWAYS un écrin en forme de festin esthétique. La précision de son œil, notamment dans la composition de plans fait donc merveille, d’autant qu’à l’instar d’un Nicolas Winding Refn (au-delà de toute autre comparaison), il sait choisir la chanson parfaite pour booster le plaisir de l’œil par celui de l’oreille. On se souviendra ainsi longtemps de cette scène aussi dérangeante que sexy de bal extravagant sur fond de « Fade To Grey » de Visage. Mais au-delà de ce spectacle visuel chatoyant, difficile de saisir ce que Dolan a à offrir de plus. S’il ferait sans aucun doute fortune dans le monde de la mode, de la pub ou du clip – ce n’est pas une attaque –, on peine davantage à s’enthousiasmer plus avant pour le propos de LAURENCE ANYWAYS. En exaltant les droits des marginaux, il aborde un sujet essentiel, souvent avec tact, mais sans pour autant apporter une eau fondamentale au moulin des droits des transgenres. Surtout sur 2h40, avec un récit s’attardant parfois sur des détails à l’importance discutable et alignant des dialogues parfois sur-écrits ou prétentieusement érudits. De quoi priver LAURENCE ANYWAYS de véritable élan émotionnel, mais pas d’en faire un pensum clinique pour autant. Car les performances des acteurs transcendent tous les écueils narratifs : Melvil Poupaud, égal à tout le bien que l’on pense de lui a priori, parvient à susciter les rares moments d’émotion véritable du film, tandis que l’immense Nathalie Baye apporte un second degré hilarant à la chose, en mère mi-distante mi-aimante. Alors, si LAURENCE ANYWAYS ne suffit pas pour adhérer totalement à la cause Dolan, il recèle de suffisamment de grandes qualités pour que l’on s’attarde sur ce que ce jeune cinéaste nous concocte pour la suite. En espérant qu’il saura soigner autant son contenu que son contenant.

De Xavier Dolan. Avec Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye. Canada/France. 2h41. Sortie le 18 juillet

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