Cannes 2012 : MOONRISE KINGDOM / Critique

16-05-2012 - 10:46 - Par

De Wes Anderson. Sélection officielle, en compétition. Film d’ouverture.

Synopsis : Dans les années 60, sur une île de la Nouvelle-Angleterre, un jeune garçon et une jeune fille fuient leur quotidien pour vivre leur histoire d’amour à l’écart du monde. Mais les adultes sont inquiets de leur disparition et partent à leur recherche.

Dès ses débuts avec BOTTLE ROCKET, Wes Anderson s’est affirmé comme l’une des voix les plus singulières du cinéma américain, à la fois nostalgique et fondamentalement moderne dans son observation des relations humaines. Après un passage par la case animation pour l’euphorisant FANTASTIC MR FOX, il revient au live action pour MOONRISE KINGDOM, qui s’inscrit dans la droite lignée de ses meilleurs films. Été 1965, sur la petite île américaine de New Penzance. Sam (Jared Gilman), orphelin et petit génie scout de douze ans, disparaît de son campement et s’enfuit dans la nature avec Suzy (Kara Hayward), qu’il a rencontrée un an plus tôt. Bien décidés à vivre librement leur amour naissant, ils tentent d’échapper aux recherches menées par le chef de camp Ward (Edward Norton), le capitaine de la police Sharp (Bruce Willis), leurs parents et une bande de Louveteaux énervés. Pendant ce temps, une tempête sans précédent se dirige vers l’île… Un jeune garçon surdoué (comme dans RUSHMORE), un cadre naturaliste (LA VIE AQUATIQUE, DARJEELING), des adultes dépressifs et largués (LA FAMILLE TENENBAUM), une fuite en avant (BOTTLE ROCKET) : tout Wes Anderson se voit résumé dans MOONRISE KINGDOM. Mais loin d’être un film-somme à la redondance vaine, cette nouvelle chronique du « vivons ensemble en dépit des obstacles » s’avère l’un des accomplissements les plus aboutis du cinéaste. Il parfait encore un peu plus son talent ahurissant de la mise en scène, alignant travelings millimétrés et compositions symétriques – la première scène est à ce titre prodigieuse –, en un ballet d’une maîtrise folle. Sans compter la construction diabolique du récit : chaque storyline s’épanouit parallèlement aux autres avant que toutes se rejoignent lors d’un climax exaltant et tonitruant, à la manière d’une composition symphonique. De cette rigueur plastique et narrative pensée à l’extrême ne découlent pourtant ni froideur, ni frime. Anderson y trouve au contraire une liberté totale, et un ton aussi loufoque qu’assuré, où les enfants s’expriment comme des adultes intellos, et inversement. Une partition délicate à interpréter, dont se jouent avec brio les comédiens. On ne pourra s’empêcher d’attribuer une mention spéciale à Bruce Willis qui, en flic reconnaissant sa propre inculture (voire son manque de jugeote), sort enfin de la paresse dans laquelle il s’était enfermé depuis trop longtemps. Autant d’éléments qui nourriront aussi bien le cinéphile le plus exigeant que le spectateur avide d’aventures et d’émotion véritable, et qui permettent à MOONRISE KINGDOM de bâtir une réelle complicité avec son spectateur. En menant son style inimitable à un tel degré de maturité, Wes Anderson s’ouvre des perspectives quasiment illimitées pour l’avenir.

De Wes Anderson. Avec Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray. USA. 1h34. En salles le 16 mai

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