Cannes 2012 : THE HUNT / Critique

19-05-2012 - 23:55 - Par

De Thomas Vinterberg. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : Après un divorce difficile, Lucas, 40 ans, se trouve une nouvelle petite amie, un nouveau travail, et rétablit peu à peu une relation avec son fils adolescent, Marcus. Mais les choses tournent mal. Tout commence avec un petit commentaire, un mensonge trivial. Alors que la neige se met à tomber, et que les lumières de Noël fleurissent dans les rues, le mensonge se répand inexorablement, comme un virus invisible. Tout devient alors incontrôlable, et la petite ville de Lucas sombre soudainement dans un état collectif d’hystérie. Accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, Lucas s’engage dans un combat solitaire pour sa vie et sa dignité.

Voici donc l’histoire de Lucas, un homme innocent accusé d’attouchements sexuels par une petite fille qui ment. C’est le postulat très précis que propose Thomas Vinterberg (FESTEN) se gardant, ainsi, de toute généralisation un peu fumeuse. Son étude de cas nous emmène donc dans une petite ville du Danemark, où Lucas a fait sa vie, entouré de nombre de ses proches, avec qui il se pinte la gueule après leurs parties de chasse. Le genre d’activité où le groupe choisit sa proie au hasard et tire à vue, s’octroyant le droit de vie ou de mort sur un spécimen particulier. Le jour où cet ancien professeur, devenu animateur dans un jardin d’enfants, se voit accusé d’attouchement par la fille de son ami d’enfance, c’est la communauté qui va se retourner contre lui, ne lui laissant strictement aucune chance de se défendre. Premier tour de force de THE HUNT ? Ne jamais émettre un seul doute sur la moralité de Lucas et, sans faux suspense, s’en tenir à son sujet fort : comment peut-on survivre à la calomnie ? Deuxième atout de poids : ne pas faire intervenir la machine judiciaire et rapidement confirmer, d’une part, l’évidente innocence de notre héros aux yeux de la société, et de l’autre, distinguer nettement la justice de la vindicte populaire, qui n’a, elle, pas besoin de preuve pour s’emballer. Sur le seul principe qu’ « un enfant, ça ne ment pas », la spirale du lynchage va doucement se mettre à tourbillonner. Et là, il faut reconnaître à THE HUNT une écriture frôlant la perfection. Grâce à de brèves répliques de la directrice de l’établissement embauchant Lucas, on comprend alors l’importance du mot, du fait et de l’emploi des bons termes dans ce genre d’affaires. Et Vinterberg fait alors une démonstration subtile, jamais ostentatoire, de comment la suspicion peut devenir spéculation, qui elle même peut devenir affirmation – jusqu’à la diffamation. Ce qui donnera à réfléchir à quiconque s’est récemment ému du fait divers brestois, où un sexagénaire, pris à partie par des parents d’élèves le pensant pédophile, est décédé d’une crise cardiaque dans le hall de son immeuble où il s’était réfugié. Cinéma danois oblige, l’histoire de Lucas est d’un réalisme étouffant et chacun pourra vivre l’injustice telle que lui la subit : ultraviolemment. Entre en scène alors l’immense talent de Mads Mikkelsen, jamais meilleur que dans sa langue natale, faisant preuve d’une grande noblesse à camper un homme ostracisé, cible de la rage collective, mais la confrontant aussi dignement que possible. D’où des scènes absolument bouleversantes où il réclame à ses « amis » et devant Dieu le droit de ne pas être coupable. Il arrivera même qu’on rie nerveusement à la terrifiante absurdité de la situation. Un cauchemar à vivre viscéralement pour, peut-être, le meilleur film de la compétition jusqu’à présent.

De Thomas Vinterberg. Avec Mads Mikkelsen, Alexandra Rapaport, Thomas Bo Larsen. Danemark. 1h46

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