Cannes 2012 : LA PIROGUE / Critique

20-05-2012 - 17:30 - Par

De Moussa Touré. Sélection officielle, Un Certain Regard.


Synopsis : Un village de pêcheurs dans la grande banlieue de Dakar, d’où partent de nombreuses pirogues. Au terme d’une traversée souvent meurtrière, elles vont rejoindre les îles Canaries en territoire espagnol.
Baye Laye est capitaine d’une pirogue de pêche, il connaît la mer. Il ne veut pas partir, mais il n’a pas le choix. Il devra conduire 30 hommes en Espagne. Ils ne se comprennent pas tous, certain n’ont jamais vu la mer et personne ne sait ce qui l’attend.

D’aucuns diraient que LA PIROGUE est un film-pansement. Un long-métrage animé par l’envie féroce d’un cinéaste engagé de faire entendre au monde un cri (qui vient de l’intérieur) et de rendre hommage aux victimes. Généralement, ce sont des œuvres faites sans recul, sans d’autres soucis que celui du message. LA PIROGUE évite l’écueil. Et parvient, malgré son carton explicatif final – revenant sur le phénomène des exodes meurtriers depuis l’Afrique de l’Ouest vers l’Espagne en pirogue –, à trouver la distance nécessaire pour nous raconter avant tout une histoire épique. Celle d’une poignée d’hommes, bourrés de rêves et de projets, partis en bateau pour l’Espagne afin de vivre une vie meilleure que dans leur pays d’origine. Et notamment de Baye Laye, capitaine de la pirogue, dont la responsabilité est d’éviter à ses passagers le funeste destin que beaucoup d’autres ont connu en mer avant eux. D’abord optimiste, plein d’espoir, puis sombrant lentement dans le désenchantement et la cruelle vérité, LA PIROGUE prouve à quel point ces exilés se confrontent seuls à la survie, malgré leur embarcation exiguë et le caractère collectif du voyage. Croisant une pirogue en perdition, notre équipage va d’ailleurs préférer fermer les yeux et continuer, priant que leur sort soit meilleur. Rongés par la culpabilité, la rancœur et la peur, ils vont alors traverser la pire des épreuves : la tempête. Une scène absolument magistrale, d’une beauté inouïe et aussi anxiogène que le plus efficace des films catastrophes d’Hollywood. Comme si 30 personnes traversaient une apocalypse personnelle et intime. Traumatisés, confrontant encore pires tortures par la suite, nos survivants n’ont d’autre option que de poursuivre obstinément leur but, malgré l’évident échec de leur périple. LA PIROGUE c’est un peu l’histoire, terrible, de ceux qui, pour tenter de déjouer la mort à petit feu dans leur pays, risquent, sur un coup de dés, de ne pas réchapper à l’enfer. Voilà qui, à défaut de donner lieu à un grand film de cinéma, a le mérite d’être dit.

De Moussa Touré. Laity Fall, Mame Astou Diallo, Malamine Dramé. Sénégal / France. 1h27. Prochainement

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