Cannes 2012 : ROMAN POLANSKI, A FILM MEMOIR / Critique

16-05-2012 - 18:05 - Par

De Laurent Bouzereau. Sélection officielle, hors compétition, Séances spéciales.

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Synopsis : Le documentaire relate la vie exceptionnelle de Roman Polanski, depuis son enfance dans le ghetto de Cracovie, ses premiers films en Pologne, puis son départ pour Paris, sa carrière en Europe et aux Etats-Unis, couronnée par un Oscar pour LE PIANISTE, l’épisode tragique du meurtre à Los Angeles de Sharon Tate, sa femme, enceinte de 8 mois, la controverse autour de son arrestation en 1977, jusqu’à son travail et sa vie aujourd’hui en France avec son épouse Emmanuelle Seigner.

Intéressant projet sur le papier que ce ROMAN POLANSKI : A FILM MEMOIR. Tourné dans le chalet de Roman Polanski à Gstaad durant son assignation à résidence, il met en boîte une discussion entre le cinéaste et son ami de longue date – et producteur de MACBETH ou LE LOCATAIRE – Andrew Braunsberg. Outre ce postulat, ROMAN POLANSKI : A FILM MEMOIR attise également la curiosité car il s’agit d’une réalisation de Laurent Bouzereau, héros des amateurs de making of de qualité. Les adorateurs du Laserdisc se souviennent avec émotion de ses documentaires légendaires et définitifs sur LES DENTS DE LA MER ou E.T., qui furent ensuite malheureusement tronqués sur les éditions DVD.

On s’attendait donc à ce que ce FILM MEMOIR soit une sorte d’exploration incontestable du cinéma de Polanski, artiste aux multiples chefs d’œuvres (LE COUTEAU DANS L’EAU, REPULSION, ROSEMARY’S BABY, CHINATOWN, LE PIANISTE pour nos préférés) et ratages (PIRATES, OLIVER TWIST). Mais non. Laurent Bouzereau et Andrew Braunsberg prennent un parti pris radicalement opposé, préférant discuter avec Polanski de sa vie, qui fut parsemée de tragédies sans nom. Avec une mise en scène minimaliste (champ contre-champ sur Polanski et Braunsberg discutant), Bouzereau ne fait rien pour donner à FILM MEMOIR un quelconque attrait cinématographique. Mais là n’est pas le propos. Le but ici, est d’écouter Polanski.

Certes, on ne goûte pas nécessairement certains choix – ces zooms gênants sur les larmes du cinéaste quand il parle de la rafle de sa mère – ou la façon dont Braunsberg et Polanski se mettent en scène au coin du feu. On regrette aussi la place que prend son arrestation, et comment le duo commente l’affaire ayant mené à des décennies d’exil loin des USA : FILM MEMOIR devient en ces instants comme une lettre d’excuse du cinéaste ou un mot d’explication maladroit à l’attention de ses détracteurs. Mais le documentaire n’en demeure pas moins souvent passionnant. Notamment dans la façon dont Bouzereau rapproche les propos du cinéaste avec des extraits de ses films, prouvant sans démonstration lourdaude ni commentaire, comment tous les drames de sa vie ont visuellement inspiré son cinéma. Qu’il s’agisse du PIANISTE, nourri de bien des souvenirs de son enfance à Cracovie, d’OLIVER TWIST ou encore de TESS.

FILM MEMOIR parvient aussi avec talent, et là encore sans l’appuyer, à explorer quelques schémas redondants dans l’existence du cinéaste, que ce soit la fuite en avant (du ghetto de Cracovie, des Etats-Unis…), de la peur de la paternité ou de la mort de femmes aimées alors enceintes (sa mère et son épouse Sharon Tate). Comme si la vie de Polanski elle-même était le jouet d’un auteur démiurgique, explorant perpétuellement les mêmes thèmes. Polanski n’en devient que plus passionnant et émouvant : car derrière toutes ces tragédies ou ses fêlures redondantes affleurent autant l’homme que le cinéaste. Et un destin incroyablement hors normes.

De Laurent Bouzereau. Grande-Bretagne. 1h34

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