Cannes 2012 : ROOM 237 / Critique

21-05-2012 - 18:19 - Par

De Rodney Ascher. Quinzaine des Réalisateurs.

Synopsis : L’INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURE est très largement perçu comme étant une allégorie du Maccarthisme, MATRIX est chargé d’une symbolique christique quant à GODZILLA, il ne peut être qu’une évocation des ravages causés par la bombe atomique. Cependant un film, plus qu’aucun autre, a généré analyses, interprétations et discordes au sujet de sa réelle signification : SHINING de Stanley Kubrick.
Né de conversations sans fin entre le producteur Tim Kirk et le réalisateur, ROOM 237, explore les multiples théories élaborées autour de la véritable signification du film de Stanley Kubrick, en donnant la parole à cinq personnes obsédées par ce chef d’œuvre de l’horreur.

SHINING de Stanley Kubrick parle du génocide des Indiens Américains. Non. SHINING parle de l’Holocauste. Non. SHINING est le film d’un cinéaste terrassé par l’ennui qui s’est amusé à y glisser des images subliminales. Non. SHINING conte comment Kubrick s’excuse auprès de sa femme de ne lui avoir pas dit en 1969 qu’il avait dirigé le footage de Neil Armstrong marchant sur la Lune. On continue ? On explique ? Pas besoin : tout est consigné dans ROOM 237, documentaire de Rodney Ascher explorant les sens cachés ou présumés cachés de SHINING, tels qu’imaginés par des amateurs du chef d’œuvre de Kubrick. Ici, pas d’interview filmées, mais des commentaires en voix off de passionnés qui expliquent leurs théories, images à l’appui. Qu’on se le dise : certaines sont totalement farfelues voire folles et ridicules, fondées sur des arguments souvent loufoques, et des raisonnements capillotractés. Et c’est justement tout ce qui fait de ROOM 237 un documentaire imparable et terriblement divertissant. Une sorte d’objet rappelant les docus conspirationnistes, la putasserie nauséabonde en moins. C’est que Rodney Ascher fait ici un travail remarquable de montage : outre évidemment les extraits de SHINING, il use de passages d’autres films de Kubrick pour mettre en scène son récit, et de films d’autres cinéastes pour l’enrichir (dont LA LISTE DE SCHINDLER) et illustrer avec humour ou ironie les propos des intervenants. On pense à cet extrait montrant Stephen King – on avoue ne pas savoir dans quel film ou quelle série – en mode redneck éberlué, lorsqu’un des exégètes de SHINING explique comment Kubrick a glissé dans le film de bons gros doigts d’honneur à l’écrivain qui, on le rappelle, était mécontent que le cinéaste ne respecte pas fidèlement son roman. Des passages hilarants comme celui-ci, on en trouve des dizaines dans ROOM 237, et certains risquent même de ruiner nos prochaines visions de SHINING, tant ils s’avèrent absurdes. Comme lorsqu’un analyste nous démontre par l’image que Kubrick glisse des images subliminales sexuelles dans tout le film, dont une d’érection par la grâce d’un objet subtilement posé sur un bureau… On l’aura compris, ROOM 237 est un spectacle, mais pas seulement. En creux, il démontre à nouveau la puissance évocatrice du cinéma de Kubrick, la richesse de ses films et plus généralement, la passion dévastatrice que génère le 7e art. Autant ode au père de LOLITA qu’au cinématographe même, on espère donc vivement que ROOM 237 trouvera rapidement le chemin du public, même si l’on craint qu’il lui sera difficile de surmonter d’évidents problèmes de droits.

De Rodney Ascher. Documentaire.

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