JANE EYRE : chronique

25-07-2012 - 09:51 - Par

Rendre son éclat à un classique des librairies, fané par les transpositions passives, n’est pas le moindre des mérites du second long de Cary Fukunaga.

Lecture presque inévitable du cursus scolaire, rite de passage littéraire pour l’adolescente en pleine affirmation de soi, rôle fantasmé par toute actrice en devenir… le roman intergénérationnel de Charlotte Brontë et son héroïne éponyme ont forcément une appréciation particulière pour chacun(e). Pour le cinéphile, c’est davantage le synonyme d’une liste d’adaptations (le roman est libre de droits) longue comme le bras. La majorité façonnée dans le moule de la bluette ronflante enfermée à double tour dans l‘académisme suranné du drame victorien. Alors on se dit qu’il était vraiment temps qu’une âme charitable vienne dépoussiérer les malheurs de la pauvre jeune femme engagée comme instructrice chez le ténébreux Edward Rochester. Pourtant, de l’enfance malheureuse de Jane chez une tante jalouse, à son éducation rigide à l’orphelinat, en passant par ses émois contradictoires pour son employeur ou son exil chez le compatissant John Rivers, Cary Fukunaga ne bouleverse pas tant que ça le texte de l’auteure. À peine réaménage-t-il la chronologie du livre à sa convenance pour casser l’ennuyeuse linéarité d’une histoire rabâchée et connue de tous. Même de ceux n’ayant jamais lu une seule lettre de Brontë. Mais encore ? Quand d’autres se reposeraient uniquement sur les épaules d’un casting sexy en diable – la distribution de ce JANE EYRE n’y échappe pas – et d’une reconstitution historique pointilleuse, le réalisateur de SIN NOMBRE approche son matériau d’origine avec un peu plus de clairvoyance stylistique. Mettant en avant la traduction par l’image des sentiments du personnage principal, le récit se démarque par sa dominante gothique lorsque Jane tente de percer le douloureux secret de son maître. Des petits airs de « mélo horrifique » rafraîchissants, auxquels se succèdent tour à tour un réalisme social et une poésie picturale digne de la beauté plastique du BRIGHT STAR de Jane Campion. Pas un mince compliment pour la photographie lumineuse d’Adriano Goldman irradiant de sa présence JANE EYRE. Un bijou d’esthétisme qui n’en oublie pas les fondamentaux : l’émotion, véhiculée avec une indéniable classe par son couple pas banal Mia Wasikowska/Michael Fassbender. À tous, on tire notre chapeau, car désormais on ne pourra plus rouspéter de voir l’œuvre de Brontë empester la naphtaline.

De Cary Fukunaga. Avec Mia Wasikowska, Michael Fassbender, Jamie Bell. Angleterre/France. 2h. Sortie le 25 juillet

Note de la rédaction : 3,5/5

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