TOTAL RECALL, MÉMOIRES PROGRAMMÉES : Chronique

08-08-2012 - 17:06 - Par

Vingt-deux ans après, Len Wiseman revisite la SF de Paul Verhoeven. On avait peur et on avait raison : pire qu’un mauvais remake, c’est un mauvais film.


Que Sony ait voulu « revoir et corriger » le TOTAL RECALL de Paul Verhoeven, grâce à Len Wiseman, est un acte cinématographique qui nous échappe mais qui avait toute notre attention. Tout le sel du film de 1990 résidant dans le sardonique point de vue d’un réalisateur fort d’une direction artistique borderline et de détails malsains. Vingt-deux ans après gît un long-métrage culte, non dénué de défauts, à l’histoire dont la complexité est terriblement datée, mais charmant et totalement représentatif du cinéma de mauvais goût de Paulo. Plus qu’un bon film de SF, c’est un film de Paul Verhoeven… ce qui signifie que le « refaire » et se contenter d’en extraire sa trame narrative, sans metteur en scène racé aux commandes, c’est s’exposer à produire un film de SF sans aucun cachet. C’est exactement ce qu’est TOTAL RECALL MÉMOIRES PROGRAMMÉES.

Douglas Quaid (Colin Farrell) a une copine aimante aux mensurations idéales. Mais sa vie d’ouvrier ne le satisfait que guère. Dans un monde bipolaire où le gouvernement aliène le peuple d’en bas, agité par la Résistance, cet homme veut s’évader et donner un sens à sa vie en s’implantant de nouveaux souvenirs, un service que pourvoit la société Rekall. Au moment de « l’opération », visant à ce qu’il acquiert la mémoire d’un agent secret, les autorités lui sautent sur le poil : la vie qu’il mène n’est pas vraiment sa vie et oui, Douglas Quaid est déjà un agent secret qui s’ignore. Pour quel camp ? Qui est donc cette femme dont il partage la vie depuis le lycée ? Tant de questions dont les réponses parviennent au métronome, au fil d’un scénario réécrit dans les clous, sans que ça dépasse, et qui troque le voyage sur Mars pour une épopée sur une Terre ravalée à la palette graphique. Ceci dit, l’ambition visuelle de TOTAL RECALL MÉMOIRES PROGRAMMÉES est ce qu’il y a de moins douloureux à l’œil, le look général étant notamment assuré par le pape des production designers : le Français Patrick Tatopoulos. C’est pas vilain, comme film, mais son allure, tout comme sa réalisation, est un cache-misère. Incapable de filmer une scène d’action ni lisible, ni énergique, ni efficace (encore moins les trois en même temps), Len Wiseman multiplie les effets de manche opératiques, bougeant une caméra virtuelle dans tous les sens, désespéré de trouver l’angle improbable qui pourra éventuellement forcer le respect d’un cinéphage peu regardant. Histoire de faire oublier que non, Colin Farrell ne fait pas lui-même ses cascades, pas plus que Kate Beckinsale doublée grossièrement dans la plupart des levers de jambe. Une mise en scène artificielle, dont chaque scène est shootée sur fond bleu et manipulée des jours durant en postproduction jusqu’à l’indigestion numérique, qui ne pallie pas la vacuité qui envahit l’écran.
Pas meilleur directeur d’acteurs qu’esthète, Wiseman laisse le respectable Farrell se débattre avec des émotions pas faciles lorsque sa seule obsession est d’iconiser son épouse, déjà largement filmée avec adoration dans la saga UNDERWORLD, dans le rôle d’une biatch monomaniaque et monoexpressive. C’est un vrai problème que de voir un personnage si peu intéressant prendre autant d’espace et de temps d’écran dans un long-métrage dont elle est seulement un outil narratif sacrifiable. On évitera, en outre, le délicat sujet Jessica Biel, dont le rôle est snobé par l’objectif du réalisateur. Dans la peau d’une guerrière sans saveur, elle aussi se débat au sein d’un récit filmique grossier, basé sur des péripéties sans enjeu émotionnel. Tellement dénuées de tension et de chair qu’on regarde les images défiler sans jamais parvenir à se sentir concerné ou invité à l’être. C’est le gros défaut du film : se prendre au sérieux sans nous laisser l’occasion de le considérer comme tel.

De Len Wiseman. Avec Colin Farrell, Kate Beckinsale, Jessica Biel. États-Unis. 2h01. Sortie le 15 août

Note : 1,5/5

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