SKYFALL : chronique

16-10-2012 - 14:34 - Par

Les producteurs de SKYFALL avaient promis un opus anniversaire à la fois dans la grande tradition de la franchise et hors des sentiers battus. Non seulement ils ont tenu parole mais ils sont allés loin, au-delà des espérances.

De l’avis général, CASINO ROYALE fut une réussite. Il était l’épisode qui fit entrer 007 dans le XXIe siècle alors que QUANTUM OF SOLACE fut celui qui échoua à transformer l’essai – la suite directe préférant se mesurer aux dictats de son époque (qui confond souvent vitesse avec hystérie), au lieu de solidifier les acquis de son prédécesseur. Conscient de leur erreur, Barbara Broccoli et Michael G. Wilson ont rebroussé chemin afin de ne pas se mettre définitivement les fans à dos et retomber dans les erreurs routinières de la saga. La mission principale de SKYFALL est donc celle d’un agent correcteur au succès hypothétiquement garanti par la seule présence de l’oscarisé Sam Mendes à la barre (une révolution). Très vite on se réjouit de voir ce 23e opus laisser son récit respirer avec une durée atteignant deux heures et demie pleine. Quant à la mise en scène, un mano à mano entre Bond et un adversaire filmé d’une traite dans un superbe rendu d’ombre chinoise nous fait comprendre illico que le découpage épileptique de QUANTUM OF SOLACE est déjà de l’histoire ancienne. Mais tout ceci ne se révèle qu’être le début d’une (nouvelle) entreprise de « refaçonnage » plus importante encore. S’il n’est pas vendu comme un reboot, SKYFALL s’affirme progressivement comme un réel redémarrage de la franchise qui reprend l’incarnation de Daniel Craig et sa relation avec la castratrice M (Judi Dench), sans faire davantage de références aux deux films antérieurs. (Re)Devenu un vétéran, James Bond est laissé pour mort après l’échec d’une mission consistant à récupérer un fichier informatique volé menaçant la sécurité d’infiltrés. En son absence, le MI6 devient la proie d’un mystérieux hacker semblant avoir un compte à régler avec son dirigeant. Une affaire personnelle qui aura des résonances avec le propre passé de l’espion dont SKYFALL ose enfin apporter quelques éclaircissements. Une courageuse bravade face à l’interdit longtemps imposé par l’intraitable Albert Broccoli. Celui d’inclure les fondations d’une mythologie des origines à laquelle il faudra religieusement obéir. Et pour se faire, SKYFALL use de principes narratifs ayant faits leurs preuves dans les BATMAN de Christopher Nolan (faut-il y voir un appel du pied pour le prochain ?). À tel point qu’il devient impossible de ne pas voir les connivences dans sa déconstruction/reconstruction du mythe, sa réflexion sur la place du personnage principal dans un cadre post-11 septembre, jusqu’à un méchant (Javier Bardem extra) faisant office d’agent du chaos et de miroir négatif… Le tout astucieusement rattaché aux spécificités de la série remises au goût du jour (la réintroduction sobre de Q et de ses gadgets). Pour s’assurer définitivement que Bond reste Bond, il n’y a qu’à dénombrer la profusion de clins d’oeils cinéphiliques qui frôlent l’ouvrage encyclopédique, rattachant SKYFALL à un autre blockbuster « méta » de cette année, EXPENDABLES 2 (la finesse british en plus). C’est dire si le fun et l’efficacité d’action (de ce côté, c’est un sans faute) prévalent dans la charte instaurée par Sam Mendes, prouvant de manière jubilatoire qu’un metteur en scène de prestige peut faire cohabiter l’audace artistique et le profond respect du cahier des charges. Non seulement SKYFALL s’avère être son meilleur film, mais il est aussi un classique instantané – riche en surprises et excellant dans tout ce qu’il entreprend – qui réinstaure la dominance de James Bond pour de nombreuses années… si le public répond favorablement à la proposition de Mendes (on doute du contraire), et que les producteurs se portent garants de sa continuité. Non parce que c’est bien connu, on ne reboote que deux fois.

De Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem. Grande-Bretagne. 2h23. Sortie le 26 octobre

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