LES BÊTES DU SUD SAUVAGE : chronique

12-12-2012 - 09:51 - Par

La grande révélation du cinéma indépendant U.S. est surtout un film comme vous n’en aviez jamais vu auparavant.

À l’heure où l’industrie d’Hollywood est lynchée pour sa frilosité et son obsession des tentpoles, le cinéma américain pourrait éventuellement trouver son salut dans les microproductions au goût prononcé pour la rébellion. Comme LES BÊTES DU SUD SAUVAGE par exemple. Fait avec peu de moyens, le premier film de Benh Zeitlin est fort d’un mélange de simplicité et d’ambitions démesurées. Il suit Hushpuppy, une petite fille vivant en parfaite harmonie avec l’environnement du Bathtub (le Bassin, en VF), un coin reculé et vierge du bayou, séparé du reste du monde par une digue. Sa maman s’étant enfuie après sa naissance, elle est élevée par un père dur, alcoolique et malade qui veut en faire un caïd prêt à régner sur cette civilisation utopique. Mais le jour où les éléments se déchaînent, noyant le Bathtub sous les eaux, Hushpuppy va alors se confronter à la colère de cette nature qu’elle pensait tant comprendre. Pour la première fois, le monde la rend vulnérable. Oui, mais cette gamine, haute comme trois pommes, n’est pas décidée à se laisser faire. La fable intemporelle que nous conte Benh Zeitlin, c’est celle d’une petite sage qui, en intégrant son statut de mortelle et les peurs inhérentes, va devenir une survivante. Une sorte d’icône de l’ordre des choses. La portée philosophique et universelle des BÊTES DU SUD SAUVAGE va donc au-delà de son pitch enfantin. En instaurant un univers onirique, dont la féérie et la beauté cauchemardesque surgissent à chaque plan, le réalisateur livre un film échappant à toute étiquette, à mi-chemin entre l’abstraction et l’hyperréalisme. Au cours du récit, on peut le considérer comme une œuvre politique, enragée contre un système américain dont les conséquences de l’ouragan Katrina ont encore une fois révélé la profonde injustice. On peut aussi y voir le fiasco social de la crise actuelle, qui explose la cohésion des foyers. Et, plus légèrement (quoi que), on y voit tout autant le récit d’un parcours initiatique, lésinant peu sur la cruauté existentielle, comme un MAX ET LES MAXIMONSTRES pétri de gravitas. LES BÊTES DU SUD SAUVAGE est loin d’expliquer, de manière didactique, son point de vue au tout-venant, et ouvre les portes à diverses interprétations. Il touche même aux sentiments intimes d’un spectateur qui, peut-être déconcerté par le manque de prise sur le film, n’aura qu’à se laisser bercer par la voix off discrète et incantatrice d’Hushpuppy (incroyable Quvenzhané Wallis) et par sa quête pragmatico- spirituelle. L’imagerie puissante et la quête d’authenticité en font un long- métrage extrêmement sensoriel, se baladant avec fureur dans les recoins morbides de la vie et dans ce qu’elle a de plus serein. Une expérience précieuse.

De Benh Zeitlin. Avec Quvenzhané Wallis, Dwight Henry, Levy Easterly. États-Unis. 1h32. Sortie le 12 décembre

 

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