THE MASTER : chronique

09-01-2013 - 09:05 - Par

Paul Thomas Anderson est enfin de retour, cinq ans après THERE WILL BE BLOOD. Imposant film, légère déception.

BOOGIE NIGHTS, PUNCH DRUNK LOVE, THERE WILL BE BLOOD… En une quinzaine d’années, Paul Thomas Anderson s’est imposé comme aussi ambitieux dans son esthétique qu’audacieux dans ses sujets. THE MASTER, présenté comme une charge antisectes (avec la scientologie en ligne de mire), devait donc être une œuvre somme au point que deux visions ne seraient probablement pas de trop. Halte là. C’est avec un sporadique sentiment d’ennui que THE MASTER, parfois complaisant, se suit. Pire, on suspecte qu’il n’y ait pas matière à se projeter plus loin que l’histoire. Car finalement, c’est assez simple : Freddie (Joaquin Phoenix), vétéran de la Seconde Guerre mondiale, est violent, lubrique, alcoolique. Il erre de petits boulots en travaux saisonniers. Jusqu’au jour où il rencontre Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffman), maître charismatique d’un groupe de fidèles. L’intégration de Freddie dans cette famille autarcique de prosélytes ne se fait pas sans heurts et seul Lancaster a foi en sa guérison. Où s’arrête la confiance ? Où débute la manipulation ? Du fonctionnement pervers de ce groupuscule, cédant au délire de persécution, THE MASTER est un portrait parfait. Et sa perfection repose sur une écriture précise de ses personnages et a fortiori sur l’interprétation d’orfèvre de ses comédiens. À ce sujet, les acteurs recrutés dans des rôles secondaires (Amy Adams, Rami Malek, Jesse Plemons…) sont parfois plus admirables, par leur discrétion, que les têtes d’affiche. Impossible de ne pas sentir l’intellectualisation de la prestation chez Phoenix. Et difficile d’attendre moins du fantastique Seymour Hoffman que ce jeu spectaculaire. Face à face, ils livrent des scènes mémorables, mais manque l’étincelle qui enflammerait totalement leur relation de dominance. En revanche, plastiquement, THE MASTER est inattaquable. De la reconstitution des années 50 à la sublime photo tantôt baignée de soleil, tantôt plongée dans l’obscurité, le film – tourné en 65 mm – de PTA est un tour de force. Les scènes les plus banales (un repas, un pâle champ-contrechamp…) relèvent de l’œuvre d’art ; les plans fixes et les travelling invisibles instaurent une réelle étrangeté. Et pour finir de parfaire cette ambiance des plus inconfortables, Jonny Greenwood (déjà au score de THERE WILL BE BLOOD) compose une bande son inspirée autant du jazz que de vieilles expérimentations de la musique électronique (on y décèlerait presque autant de Bernard Herrmann que de musique concrète). Tout ça pour dire que THE MASTER en jette. Mais quand on parle de Paul Thomas Anderson, c’est finalement la moindre des choses.

De Paul Thomas Anderson. Avec Joaquin Phoenix, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams. États-Unis. 2h17. Sortie le 9 janvier

 

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