NO : Chronique

05-03-2013 - 17:34 - Par

Un point de vue parfait pour traiter le référendum historique qui fit tomber Pinochet de la tête du Chili en 1988.

Le réalisateur chilien Pablo Larraín s’est donné comme mission de décortiquer l’histoire douloureuse de son pays. Ça fait plusieurs fois qu’il s’y colle et il le fait merveilleusement bien. Loin des ambiances dépressives et de l’esthétique rigoureusement mathématique de TONY MANERO et de SANTIAGO 73, POST MORTEM, NO est pétri d’un optimisme conquérant et d’une grosse audace formelle. Retour en 1988, lorsque Pinochet, sûr de son coup, met en place un référendum pour savoir s’il doit rester à la tête du Chili. Ses opposants s’organisent alors et lancent une grande campagne pour le « Non ». Ils embauchent René Saavedra (Gael García Bernal), jeune requin de la publicité. Ce dernier, dont l’implication patriotique laisse d’abord à désirer, va comprendre à ses dépens qu’il est périlleux de s’attaquer au pouvoir en place. Et que, loin du libéralisme gadget dans lequel il évolue, un bon slogan peut véritablement changer le monde. Pour croquer ce bout d’Histoire par cet angle si particulier, Larraín a déniché une quantité inouïe d’images d’archives (interviews, extraits de propagande, spots de campagne) et décidé de coller l’esthétique de son film sur celle de l’époque. Le résultat, c’est une image vidéo en 4/3, cramée, à la netteté aléatoire. D’un autre temps, certes, mais très immersif dans cette période charnière de la naissance du clip et de l’esthétisation publicitaire. Le gros grain cracra n’empêche pas NO d’être plastiquement parfait. Au contraire. Peu importe le support : quand un véritable metteur en scène s’empare de l’image, surgit du cinéma grandiose. NO est souvent ludique, car René, d’abord très en retrait des agitations du pays, a une naïveté déconcertante face à sa mission. Et plusieurs dialogues d’une drôlerie inestimable allègent ce récit, a priori lourd, sur le poids de l’oppression. C’est avec un grand entrain, parfois cocasse à la MAD MEN, que la narration se déroule. Mais c’est quand le baratin se transforme en discours engagé, quand le défi de « vendre » un concept se meut en conviction politique, que NO devient un film important, transcendant son portrait d’Histoire en brûlot universel pour la démocratie. Les derniers gros plans sur un Gael García Bernal saisissant le pouvoir de la liberté sont d’une poésie indicible. L’acteur, dans le rôle d’un petit con à la reconquête d’une éthique, trouve ici son meilleur rôle.

De Pablo Larraín. Avec Gael García Bernal, Alfredo Castro, Antonia Zegers. Chili / États-Unis. 1h55. Sortie le 6 mars

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.