THE PLACE BEYOND THE PINES : Chronique

20-03-2013 - 10:30 - Par

Tout aussi incisif mais plus opératique que dans BLUE VALENTINE, Derek Cianfrance s’impose définitivement comme un grand auteur.

De retour dans la ville de Schenectady un an après son dernier passage, Luke (Ryan Gosling), cascadeur à motos, apprend que Romina (Eva Mendes), avec qui il avait eu une aventure, lui a donné un fils. Bien que son ex-amante ait tourné la page, Luke se met en tête de faire partie de la vie de son enfant et, pour le nourrir, commence à braquer des banques. Jusqu’à ce qu’il croise la route d’un jeune flic ambitieux, Avery Cross (Bradley Cooper). En 2011, BLUE VALENTINE de Derek Cianfrance marquait les esprits pour son romantisme sensoriel et son naturalisme désespéré. Deux qualités qui traversent également THE PLACE BEYOND THE PINES. Mais loin de réchauffer une recette, le réalisateur semble décidé à faire oublier toutes les étiquettes que certains avaient pu lui coller. Dont celle du label Sundance. Son troisième film (son premier, BROTHER TIED, qui date de 1998, est inédit en France) se fait ainsi bien plus décomplexé, voire ambitieux, que BLUE VALENTINE. Contrairement à ce dernier et à sa narration éclatée, Cianfrance opte ici pour un récit linéaire courant sur presque vingt ans. Une amplitude faisant de THE PLACE BEYOND THE PINES une fresque lyrique, taillée dans la roche imposante du grand roman américain. En explorant les relations complexes et viciées entre des personnages que le destin relie sans qu’ils ne se croisent physiquement pour autant, Cianfrance fait preuve d’une maîtrise narrative ahurissante. Via une intrigue bâtie en trois actes bien distincts, il déploie des trésors d’inventivité, notamment dans sa manière tantôt souple et discrète, tantôt abrupte et assénée, de passer d’un personnage ou d’un point de vue à un autre. Observateur omniscient, Cianfrance refuse toutefois toute manipulation de ses protagonistes. Des forces plus obscures et puissantes que l’auteur lui-même – on appellera ça la vie, la société, le hasard – sont ici en jeu. Ce ballet étudie avec une empathie dépressive un déterminisme auquel personne ne semble pouvoir échapper. Un regard social – voire sociologique – néanmoins dénué de toute moralisation, Cianfrance filmant plus un état de fait qu’il ne le questionne. Car avant tout, THE PLACE BEYOND THE PINES demeure un drame puissant sur des pères, leurs fils, et la souffrance qui s’érige entre eux. S’en dégage une mélancolie brute et poignante, richesse d’un film qui a tout pour devenir un classique.

De Derek Cianfrance. Avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Dane DeHaan. États-Unis. 2h20. Sortie le 20 mars

 

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