Comme possédé par l’esprit de Brian de Palma, Steven Soderbergh propose un jeu de piste à l’exécution millimétrée.
Brian de Palma a déçu avec PASSION ? Qu’à cela ne tienne, Steven Soderbergh prend le relais. Le réalisateur livre ainsi un thriller érotico-meurtrier à base de femme(s) fatale(s), de jeux de pouvoir pervers, de trahison et d’hommes dont la virilité est mise à l’épreuve. Alors que son mari Martin (Channing Tatum) sort de prison, Emilie (Rooney Mara) est assaillie par l’anxiété et de sérieuses pensées suicidaires. Traitée par le psychiatre Jon Banks (Jude Law), elle teste un nouvel anxiolytique, l’Ablixa. Mais Emilie est bientôt accusée de meurtre et Jon ostracisé par ses collègues. Il va alors tenter de faire la lumière sur les événements. EFFETS SECONDAIRES apparaît comme l’opus idéal pour assurer à Soderbergh un départ à la retraite en fanfare. Il semble en effet diriger un quasi-film somme, revisitant notamment SEXE, MENSONGES ET VIDÉO (les relations de couple malsaines), KAFKA (une société oppressive), ERIN BROCKOVICH (un personnage seul contre tous), SOLARIS (la puissance trompeusement évocatrice du deuil), THE INFORMANT (mensonges et faux-semblant) ou encore CONTAGION (la froideur d’un récit mécaniquement implacable sur lesquels les protagonistes n’ont aucune prise). Mais le cinéaste étant lancé depuis ses débuts dans une quête d’exhaustivité des styles, impossible de réduire EFFETS SECONDAIRES à un simple résumé du reste de sa carrière. Car avant d’être un objet ouvrant la porte à nombre d’exégèses, EFFETS SECONDAIRES est surtout un film se suffisant à lui-même, dont l’épatante efficacité narrative recèle de trésors d’inventivité. Il faut ainsi voir comment Soderbergh donne tout d’abord à son récit les airs d’un brûlot sur l’industrie pharmaceutique – notamment via des dialogues surlignés ou un plan volontairement très appuyé sur une fiole de pilules –, pour ensuite emprunter une toute autre piste aux rebondissements soigneusement amenés, à défaut d’être foncièrement surprenants… Porté par des acteurs jouant à merveille sur l’ambiguïté de leur image et par une mise en scène habile, EFFETS SECONDAIRES se suit presque avec détachement, tant son univers clinique a tout d’un cauchemar impénétrable. C’est toute la force du film : jouer avec le spectateur en le prenant au col, puis en le repoussant, avant de le séduire perfidement à nouveau. En somme, on y revient : EFFETS SECONDAIRES ressemble à la carrière de Soderbergh. Aussi riche qu’inégal. Ce qui n’empêche pas sa grandeur.
De Steven Soderbergh. Avec Rooney Mara, Jude Law, Channing Tatum. États-Unis. 1h46. Sortie le 3 avril
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