PROMISED LAND : chronique

17-04-2013 - 08:54 - Par

Les méfaits du capitalisme peuvent-ils donner de bons films ? La preuve par Gus Van Sant et Matt Damon.

Quand il ne signe pas des chefs-d’œuvre quasi expérimentaux – de MY OWN PRIVATE IDAHO à ELEPHANT en passant par GERRY –, Gus Van Sant s’adonne au film de commande. Souvent sans forcer son talent (À LA RENCONTRE DE FORRESTER, MILK), parfois en trébuchant carrément (RESTLESS). Reste le cas WILL HUNTING, qui parvint à faire oublier que le cinéaste n’en était pas l’initiateur, pour devenir logiquement l’un de ses films les plus révérés du grand public. Voir Van Sant s’associer de nouveau avec Matt Damon (qui fut également de GERRY et FORRESTER) ne pouvait donc qu’enthousiasmer. Le cinéaste faisant ici office de sauveur de dernière minute – PROMISED LAND était au départ envisagé comme les débuts de réalisateur de Damon –, allait-il pouvoir y insuffler sa patte ? Désamorçons immédiatement la question : non. PROMISED LAND ne se hisse jamais vraiment au niveau de WILL HUNTING et souffre d’une mise en scène des plus fonctionnelles. Reste que le résultat enterre la majeure partie de la filmographie mainstream de Van Sant. Steve Butler (Matt Damon), cadre d’une multinationale énergétique, tente de convaincre les propriétaires terriens d’une petite ville rurale d’exploiter du gaz de schiste sur leurs parcelles. Il doit alors composer avec une population réticente à se vendre. Dit comme ça, PROMISED LAND avait tout pour s’ériger en parabole prêchi- prêcha anticapitaliste et écolo-consciente bourrée de bons sentiments hypocrites. Le scénario – cosigné par Damon et John Krasinski – révèle au contraire des richesses narratives insoupçonnées. En analysant comment le grand capital profite de la crise pour se poser en unique espoir d’une ruralité vouée à mourir, PROMISED LAND établit avec subtilité un état des lieux désespéré, auquel il infuse un esprit utopiste « à la » Frank Capra. Un conte passant habilement du drame à la comédie grâce à une bienveillance sans effusion pour les personnages. Steve Butler, qui répète à qui veut l’entendre et à juste titre ne pas être un sale type, arbore une psychologie des plus denses. Moins agent de l’ultralibéralisme que prisonnier de son passé, il va devoir se pencher sur ses traumas pour comprendre qu’en flouant autrui, c’est lui-même qu’il foule au pied. Sa prise de conscience n’apparaît jamais forcée et permet à PROMISED LAND de s’envoler vers de mémorables moments de sincère émotion.

De Gus Van Sant. Avec Matt Damon, John Krasinski, Frances McDormand. États-Unis. 1h46. Sortie le 17 avril

 

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