Cannes 2013 : ONLY LOVERS LEFT ALIVE / Critique

25-05-2013 - 10:58 - Par

De Jim Jarmusch. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prises les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur histoire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?

Peut-on décemment attendre d’un film de vampires qu’il renouvelle le traitement que le cinéma apporte à ce genre depuis des décennies ? Avec Jim Jarmusch au scénario et à la réalisation, l’espoir était permis. Et au final, le contrat partiellement rempli. Tout d’abord parce que Jarmusch pave ses intentions d’un respect distant de certains codes régissant l’existence des suceurs de sang (vie nocturne, romantisme…) et d’autres passages obligés (la vue du sang les allèche), qu’il détourne joyeusement pour dériver assez rapidement vers tout autre chose. Les vampires deviennent ici de grands observateurs de l’espèce humaine – surnommé les zombies –, de leur évolution au fil des siècles. Jarmusch se sert ainsi de leur immortalité pour en faire des commentateurs acerbes des erreurs commises par les Hommes et de quasi sociologues des conséquences à long terme de ces fautes. « Ces zombies ont peur de leur propre imagination », lance un Tom Hiddleston déprimé, compositeur fétichiste des guitares, reclus dans un anonymat confinant presque à l’obsession. De là, le propos devient de plus en plus clair. Le commentaire toujours plus cinglant. L’Homme n’a fait que pourrir tout ce qu’il a touché et n’a mené qu’à une déliquescence de notre planète, de notre âme, de nos valeurs et évidemment, de la culture. Jarmusch livre avec ONLY LOVERS LEFT ALIVE sa charge la plus violente contre la société du divertissement, dont il dézingue le délire de célébrité et son manque total d’ambition ou d’audace. Un propos qui, s’il s’avère plutôt acéré, cache quelques relents d’une amertume quelque peu grossière, pour ne pas dire putassière. Si Jarmusch maîtrise ici parfaitement l’esthétique de son film (la séquence d’ouverture est une splendeur, une scène de danse sur du Denise LaSalle confine au sublime, la soundtrack est incroyable), l’ambiance ou la direction de ses comédiens, impeccables, il semble bien moins concentré sur son scénario. Hormis le fait qu’il ne se passe strictement rien (ou pas grand-chose) narrativement parlant – un parti-pris que l’on accepte sans peine, Jarmusch filmant une sorte d’errance hypnotique – le ton général apparaît, lui, poussif. Le cinéaste use et abuse de références lourdaudes à la pop culture en un humour aussi répétitif que puéril, dont surgissent de trop rares fulgurances. Si bien qu’ONLY LOVERS LEFT ALIVE, dans son élan de divertissement pamphlétaire, se révèle l’un des opus les plus accessibles de Jarmusch mais aussi l’un des plus évidents, l’un des moins denses. Presque oubliable.

De Jim Jarmusch. Avec Tom Hiddleston, Tilda Swinton, Mia Wasikowska. Etats-Unis. 2h02. Prochainement.

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