Cannes 2013 : LA GRANDE BELLEZZA / Critique

20-05-2013 - 23:14 - Par

De Paolo Sorrentino. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis (officiel) : Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gamberdella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse –, jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu « l’appareil humain » – c’est le titre de son roman – et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant…

« Quand on veut être haineux, autant avoir de l’ambition » lance à un ami Jep (merveilleux Toni Servillo), lors d’une soirée en comité restreint, où les leçons de morale d’une putain de la littérature attisent la franchise stoïque de notre vieux héros. Prenant également le conseil au pied de la lettre, Sorrentino fait de LA GRANDE BELLEZZA une tragicomédie cruelle sur les mondanités romaines, une société où être riche est un métier en soi, où les actrices se reconvertissent en auteures et veulent écrire « des trucs proustiens », où les parvenus se dandinent sur de l’électro ringarde dans une chorégraphie grossière et mécanique. Et parce que Sorrentino a toujours une arrière-pensée éclairée, c’est de l’image publicitaire qu’il décide d’user, capturant le cliché moderne de l’Italie tout nichon dehors. À cela et parce que tout ne se résume pas à la satire – bien au contraire –, il oppose l’image d’un décor gorgé d’Histoire, dont la dimension spirituelle fait défaillir ceux qui le visitent, un pays où il faisait bon grandir et avoir son premier flirt, un fantasme pieux aux antipodes de la vulgarité d’aujourd’hui. Voilà qui tombe bien, Jep vit dans un conglomérat d’institutions religieuses, comble d’un mode de vie bourgeois certes, mais rappel douloureux et salvateur à l’authenticité de l’existence. C’est avec une tendresse folle que Sorrentino filme alors Rome, ses vestiges apaisants et son vieux journaliste si tristement blasé qu’il a perdu foi en toute beauté. Car LA GRANDE BELLEZZA est un poème émouvant sur la nostalgie, presque morbide dans sa mélancolie crépusculaire. « Les racines sont importantes », explique une religieuse végétarienne à Jep. Des phrases définitives, il y en a plein le film. Tout comme de longues scènes contemplatives, frôlant la posture artistique. Est-ce que le cinéma de Sorrentino est arrogant ? Oui. Comme le sont souvent les œuvres pudiques, désireuses de cacher leurs émotions sous des tonnes de blah blah et une certaine inclination à la démonstration. Mais au fond, tout n’est que délicatesse et sophistication.

De Paolo Sorrentino. Avec Toni Servillo, Luis Tosar, Carlo Verdone. Italie. 2h30. Sortie le 22 mai

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